Jean Morel et Simon Maisonobe
(Disponible sur www.france.tv/slash jusqu’au 21 décembre 2025)
« Les mecs parlent de leur quartier, après de leur ville, puis de leur département. » Voilà comment le rappeur Médine présente, en préambule de ce documentaire, les cercles concentriques de la diffusion traditionnelle du hip-hop. Mais en quarante ans, la donne pourrait avoir changé. Et si le rap était à l’origine de la construction culturelle et mentale du Grand Paris, au-delà de sa construction physique imputée au Grand Paris Express ? Pendant quatre décennies, les banlieues, à travers leurs artistes, se sont disputé le titre de capitale française du rap, à grand renfort de revendications dans les paroles et dans les clips.
Mais passée la décennie 90, qui a vu le mouvement exploser médiatiquement et commercialement, l’essoufflement guettait. L’arrivée de Sexion d’Assaut est venue régénérer la discipline en ajoutant une touche intra-muros (le groupe est de Paris, 75). Avec la bande à Maître Gims, le rap entre dans tous les foyers à la fin des années 2000, et les artistes parisiens continuent leur percée : L’Entourage, 1995, Nekfeu, Alpha Wann…
La banlieue, cependant, s’est fait un peu oublier. Jusqu’à l’arrivée de Kaaris, qui signe un retour du 93 avec sa trap rêche et sans compromis, mettant au passage sa ville de Sevran en lumière. Car c’est ici tout l’enjeu de la représentation : marquer son territoire et le placer sur la carte. Une carte où le rap a planté peu à peu ses étendards : en Seine-Saint-Denis, à Paris, dans le Val-de-Marne, dans les Hauts-de-Seine, dans le Val‑d’Oise, en Seine-et-Marne… Jusqu’à l’émergence, au mitan des années 2010, du dernier département sans visibilité – grâce à PNL : l’Essonne.
Une fois la carte complétée, restait à l’unifier. Ce sera chose faite à l’initiative de Médine et de sa chanson Grand Paris (2017), qui invite au micro Ninho, Seth Gueko, Youssoupha, ou Sofiane, entre autres représentants des départements franciliens. Apparaît alors un imaginaire fédéré de la région parisienne que la chanson résume ainsi : « C’est nous le Grand Paris. » Mais maintenant que le rap est au cœur de l’industrie musicale, et influence le monde (« La banlieue influence Paname/Paname influence le monde »), reste à influencer les institutions. Ce sera, à en croire les intervenants de ce riche documentaire, le prochain chantier du rap français.
Rodolphe Casso