Pyrénées Une histoire environnementale du tourisme
Steve Hagimont
Champ Vallon, 2022, 376 pages, 26 euros
Cette somme propose une vision très originale de l’histoire du tourisme par le prisme environnemental et en se focalisant sur l’exemple du massif pyrénéen. Une triple dimension (histoire, environnement, territoire) qui explique toute la richesse du travail de Steve Hagimont, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Versailles-Saint-Quentin, qui développe dans son ouvrage, Pyrénées. Une histoire environnementale du tourisme, une mise en perspective critique du développement touristique pyrénéen, du thermalisme aux sports d’hiver.
Partant des premières formes de l’aménagement touristique de l’environnement pyrénéen – à travers une « mise en marché » de la nature et de son « authenticité » qui remonte au xviiie siècle –, l’historien explique que ce développement économique progressif d’un territoire montagneux aux ressources naturelles exceptionnelles (diversité de la faune et de la flore, esthétique des paysages, ampleur des panoramas, calme des lacs et vigueur des torrents, bienfaits des eaux, du climat et de la lumière…) trouve sa source dans l’éveil sensoriel et intellectuel suscité par la contemplation des premiers « touristes » issus des élites nationales et étrangères. Cette fréquentation croissante du massif pyrénéen va devenir une somme de ressources économiques que vont s’attacher à faire fructifier les promoteurs du tourisme, en étendant la marchandisation du monde aux espaces mêmes qui permettent d’y échapper.
Tout l’intérêt de la démarche intellectuelle de Steve Hagimont est en définitive d’initier, de façon très neuve, une histoire environnementale, mais aussi sociale et économique, d’un territoire touristique envisagé comme un véritable « démonstrateur » de services offerts aux touristes à partir du xixe siècle, tel un espace pionnier du tourisme mondial. Ainsi, le tourisme – dont l’importance culturelle, économique et politique est trop souvent négligée selon l’historien –, éclaire-t-il dans l’exemple pyrénéen l’attitude ambivalente des sociétés contemporaines face à la nature, entre fascination et appropriation commerciale. Sur le temps long, la transformation en produits touristiques des eaux thermales, du « bon air de la montagne », des paysages, du vivant, de la neige et des imaginaires de l’évasion en altitude, apparaît dans ce précieux livre comme une « hétérotopie touristique », au sens foucaldien du terme.
Steve Hagimont développe son propos en l’illustrant concrètement : les casinos, le Tour de France cycliste, les soins et le « bien-être » (l’auteur parle des « montagnes prophylactiques » en évoquant les sanatoriums), l’alpinisme comme distinction sociale des élites conquérantes, la très tardive démocratisation des sports d’hiver, encore plus récemment « industrialisés » sur le versant espagnol… Partant de cette évolution du marché de « l’or blanc », l’historien finit son patient travail en s’attardant sur les soubresauts de la protection de l’environnement pyrénéen – le parc national est créé en 1967 – qui n’a pas empêché, tant s’en faut, l’exploitation de son patrimoine naturel : puissance des barrages hydroélectriques, « externalités » touristiques de l’agriculture, politiques de labellisation cherchant un « équilibre » entre développement économique et préservation des ressources naturelles…