Rêvons d’une autre ville !
Marc Held
(Parenthèses, 2022, 160 pages, 22 euros)
C’est en 1996, à l’occasion de la conférence de Skópelos, que l’architecte, designer et photographe français Marc Held sonne le glas des mégalopoles. Avec un titre on ne peut plus explicite, « Mort à la ville », cet autodidacte alerte sur notre fonctionnement déraisonné : « Le modèle de société occidental directement lié au modèle de la vie urbaine se répand sur la planète entière, alors que les conséquences de ce type de société sur l’environnement sont extraordinairement destructrices. » Réflexion glaçante et visionnaire, Marc Held ne se veut toutefois pas fataliste dans le présent ouvrage.
En retraçant succinctement une histoire de la ville, il énonce les trois causes de ce qu’il nomme le « mal de vivre » : la spéculation ; la maladie de la fringale ; la peur, l’angoisse et la compétition permanente. « J’ai fait un rêve », écrit l’auteur en titre de son septième chapitre. Que chacun puisse satisfaire ses besoins matériels essentiels et spirituels. Pour y répondre, il rédige une « Table de Loi » qu’il nomme la « bio-croissance ». Son objectif : construire un monde meilleur, dans le respect des ressources naturelles. Baptisée « Villeneuve », la ville de demain sera à faible densité humaine, libérée du « labeur et de la peur de l’insécurité matérielle ».
Radicalement opposée à notre mobilité actuelle, elle reviendrait à des notions de temps et de distance ancestrales sinon rationnelles. Marc Held livre un cahier des charges précis, qui n’est pas sans rappeler la charte d’Athènes, publiée en 1943 par Le Corbusier, dont le manque de souplesse avait été souligné. « Le nombre d’habitants de notre cité s’élèvera à 120 000 environ, avec 4 personnes par famille en moyenne. […] 20 % de ces 30 000 familles habiteront dans une construction à trois niveaux de 66 m² chacune », peut-on lire dans le postulat n° 1 de Marc Held. Et si la technique doit être au centre de la création des villes de demain, Marc Held n’en reste pas moins un grand utopiste, évoquant des « cités mystérieuses et poétiques ».
Plaidoyer contre l’argent et la société productiviste, la « Villeneuve » met en avant l’utilité de la planification. Un brin autoritaire et radical, il ne tombe cependant pas dans le catastrophisme et appelle à rassembler nos valeurs humanistes pour construire des villes heureuses et vertes.
Maider Darricau