Sarcelles ou Babel. Un portrait de ville
Jean-Patrick Fortin
(Naturalia Publications, 2022, 128 pages, 20 euros)
Sarcelles. Babel. Le rapprochement interpelle. Ce portrait de ville est un livre très personnel, qui oscille entre analyse urbaine et architecturale, et moments d’écritures à la première personne, permettant d’incarner un discours sous forme d’exploration urbaine.
Au fil des pages, nous suivons Jean-Patrick Fortin dans une sorte de déambulation à travers Sarcelles : ses points de frictions, ses lignes de force, ses polarités qui font le quotidien d’une ville du brassage et de l’identité plurielle. Son histoire est reconstituée du point de passage des voies royales au village préservé, jusqu’au boom immobilier des années 1970. À partir de là, les tours sont vues comme celle de Babel, modernes, lieux d’échanges multiculturels.
Érigée par l’auteur au rang d’icône des Trente Glorieuse, Sarcelles est, selon lui, victime de représentations politiques, médiatiques et urbaines pétries de préjugés négatifs sur les grands ensembles. Préjugés requestionnés aujourd’hui dans le cadre de la requalification urbaine et des opérations de démolition-reconstruction qui interrogent le vivre-ensemble et les lieux communs pour des habitants « reconnus dans leurs différences ».
Face à cela, deux postures s’entrechoquent : celle minimaliste d’une Sarcelles-ghetto ou celle plus ambitieuse d’une Sarcelles-territoire, où se joue l’avenir d’un Grand Paris connecté.
En filigrane se joue également le rapport intime que l’auteur, membre fondateur de l’école d’architecture Paris-Belleville, entretient avec l’urbanisme et l’architecture en tant qu’« art de la représentation » et « permanence vécue ». La question des formes, des dynamiques sociales, communautaires et des images sont indissociables. Point fort de ce livre, la forme prend quelquefois le pas sur le fond.
Avec un style rigoureux, de longues phrases et un vocabulaire d’initié, le lecteur peut avoir le sentiment d’être perdu, ballotté au gré des thèmes abordés. Véritable « Babel », les thématiques défilent sans que l’on puisse appréhender de manière aisée, là où l’auteur fixe son cap. Dense et exigeant, ce livre est l’incarnation d’une forme de pensée d’architecture sociale qui n’arrive pas à s’extraire d’un certain vocabulaire géométrique.
Elias Sougrati