Le Pavillon. Une passion française
Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé
(Presses universitaires de France, 2023, 276 pages, 15 euros)
En octobre 2021, la déclaration de la ministre Emmanuelle Wargon selon laquelle « le modèle du pavillon avec jardin n’est pas soutenable et nous mène à une impasse » avait provoqué un tollé. À cela, rien d’étonnant, dans la mesure où le pavillon occupe une place de choix, pour ne pas dire la première, dans l’imaginaire urbain des Français. Et cela, depuis le XIXe siècle. Il faudra toutefois attendre le milieu des années 1960 pour que le pavillon soit appréhendé de manière positive, car, auparavant, il véhiculait surtout l’image des lotissements défectueux de l’entre-deux-guerres. Il s’agit donc bien, en effet, d’une « passion française », pour reprendre l’expression des auteurs.
On peut d’ailleurs parfaitement la mesurer : aujourd’hui, les maisons individuelles représentent 55,4 % du parc total de résidences que compte la France (hors Mayotte). Cette proportion va de pair avec la propriété, puisque près de six ménages sur dix sont, en 2021, propriétaires de leur résidence principale contre 35 %, en 1954, et 43 %, en 1968.
Il s’agit donc d’une histoire à part entière que les auteurs retracent dans le détail, des premières ébauches au temps des habitations à bon marché [HBM, NDLR] jusqu’aux récentes tentatives de concilier les aspirations individuelles avec les impératifs de la transition écologique. On s’intéressera particulièrement aux entreprises qui se sont lancées dans le marché pavillonnaire, comme Maisons Phénix, ou d’autres qui ont tenté d’importer le modèle américain des gated communities [quartiers résidentiels fermés], encore peu développé en France.
Bien documenté, notamment en chiffres, l’ouvrage de synthèse propose également une typologie pavillonnaire, du « pavillon enchanté » à celui qui pose problème, en raison de sa position excentrée ou de l’âge (avancé) de ses propriétaires, par exemple.
Au fil des pages, on s’interrogera sur l’évolution du positionnement des pouvoirs publics, qui doivent concilier intérêts particuliers (ceux des aspirants au pavillon), et l’intérêt général, qui commande aussi de limiter la production de ce type d’habitat souvent gourmand en occupation foncière. À l’heure du débat sur le « zéro artificialisation nette » (ZAN), la question prend une nouvelle perspective. De ce point de vue, il serait utile d’étudier la manière dont les autres pays européens abordent la question et trouvent des compromis entre le souhaitable et le réalisable.
Thibault Tellier