
Zoljargal Purevdash
Eurozoom, actuellement en salle
Premier film mongol en sélection officielle au Festival de Cannes, dans la section « Un certain regard », Si seulement je pouvais hiberner raconte le quotidien d’une famille, endeuillée par le décès du patriarche, venue tenter sa chance à Oulan-Bator. Dans la capitale, plus de 60 % de ses habitants sont installés dans le quartier des yourtes, un bidonville sans chauffage ni infrastructure, où l’on brûle du charbon pour résister aux températures hivernales : — 35 °C en moyenne.
Le personnage principal, Ulzii, adulte dans un corps d’enfant, tente de subvenir aux besoins de sa fratrie, abandonnée rapidement par une mère alcoolique. L’obsession du sac de charbon pour réchauffer la maisonnée constitue le fil rouge de ce long métrage, entre tradition et modernité.
Sans misérabilisme, il expose la débrouille à laquelle sont initiés, dès leur plus jeune âge, les habitants de ce quartier, dont sont issus tous les acteurs du film. « Il était évident que j’allais tourner dans des conditions de froid extrême, il était donc très important d’avoir des enfants qui connaissent cette situation et qui l’aient vécue », précise Zoljargal Purevdash.
Entre les sublimes paysages de steppes et les vues aériennes du bidonville enfumé, on découvre l’autre Oulan-Bator, celui des écoles en uniforme soigné et des tours d’immeubles modernes, où parfois le jeune garçon rend visite à une tante odieuse, ou bien accompagne un voisin en échange d’un maigre pécule.
Pour sortir sa famille de la misère, le brillant élève se lance dans un concours national de physique, afin de tenter de décrocher une bourse d’études à l’étranger. Une porte de sortie dont a bénéficié la réalisatrice, qui a intégré la section cinéma d’une université japonaise.
Tout au long d’un film paradoxalement chaleureux et drôle, Zoljargal Purevdash évoque subtilement le fossé de classe face aux injonctions écologistes d’une catégorie sociale plus aisée, lorsqu’il s’agit, pour la moitié de la population, de simplement survivre à l’interminable hiver.
Ainsi, lorsqu’Ulzii se retrouve nez à nez avec une manifestation contre la pollution de l’air, il est interloqué. Dans la capitale la plus polluée du monde, la première du genre a eu lieu en 2016, « les manifestants ont été très durs envers les habitants de mon quartier. Ce que nous respirons n’est pas de la fumée, c’est de la pauvreté ».
Maider Darricau