Fan­ny Lopez et Cécile Diguet
(Métis­Presses, 2023, 142 pages, 24 euros)

En Ile-de-France, 165 centres de don­nées numé­riques se répar­tissent sur 110 sites. Leur consom­ma­tion élec­trique est de 1 giga­watt, soit la pro­duc­tion élec­trique des deux réac­teurs à eau pres­su­ri­sée de la cen­trale nucléaire de Nogent-sur-Seine.

Le livre de Fan­ny Lopez (his­to­rienne de l’architecture et cher­cheuse) et Cécile Diguet (direc­trice du dépar­te­ment Urba­nisme, amé­na­ge­ment et ter­ri­toires de L’Institut Paris Region) four­mille de don­nées chif­frées pour com­prendre l’impact spa­tial, éner­gé­tique, social et pay­sa­ger du numérique.

Nour­ri par une ving­taine d’études de cas situés en Europe (Irlande, France, Suède, Pays-Bas notam­ment) et aux États-Unis ain­si que par une cen­taine d’entretiens, ce livre donne à com­prendre notre nou­vel âge de l’urbanisme des réseaux.

Il dévoile les nom­breux impen­sés de la ville numé­rique. Les pro­messes du numé­rique sont mises en pers­pec­tive, notam­ment dans un cha­pitre his­to­rique. Grâce à ses nom­breuses illus­tra­tions, l’ouvrage nous outille pour savoir regar­der ces infra­struc­tures pré­sentes dans nos pay­sages quotidiens.

À New York, de nom­breux bâti­ments – sièges des anciennes com­pa­gnies de télé­graphe et télé­com­mu­ni­ca­tion – ont été recy­clés pour le numé­rique. C’est le cas de l’emblématique 118 th Ave­nue à Chel­sea. C’est le qua­trième plus grand bâti­ment de New York avec 275 000 m² de sur­face, qui mixte centre de don­nées et bureaux pour 8 000 per­sonnes. Mais, le plus sou­vent, les exi­gences des sys­tèmes élec­triques de secours et de cli­ma­ti­sa­tion imposent des bâti­ments nou­veaux et uni­que­ment consa­crés aux centres de données.

Le livre démontre com­ment les « nuages » de don­nées numé­riques ont une ins­crip­tion spa­tiale et maté­rielle lar­ge­ment incom­pa­tible avec les objec­tifs éco­lo­giques pour­tant décla­més par­tout. Les deux autrices, par leurs iti­né­raires pro­fes­sion­nels, sont très au fait des enjeux de régu­la­tion des réseaux et des ins­tru­ments de l’urbanisme.

En conclu­sion, trois scé­na­rios contras­tés : crois­sance et ultra­cen­tra­li­sa­tion numé­rique ; sta­bi­li­sa­tion du sys­tème tech­nique numé­rique et quête de la rési­lience ; ultra­dé­cen­tra­li­sa­tion numé­rique et fin des centres de don­nées. Par­mi les recom­man­da­tions variées, rete­nons­-en ici une : fai­sons du deve­nir des infra­struc­tures numé­riques une ques­tion plei­ne­ment urbaine et politique.

Xavier Des­jar­dins