Traité d’urbanisme enchanteur
Charles Atorffer
Libel, 2021
Le polyvalent et peu prévisible Charles Altorffer, activiste pataphysicien, nous enchante avec son volumineux traité, tantôt vendu comme un outil dessiné de traitement des névroses urbaines, tantôt comme un inventaire naïf des nécessaires changements à opérer pour s’adapter à l’avenir.
Architecte, metteur en scène et donc urbaniste enchanteur (autoproclamé), pilier de l’Agence nationale de psychanalyse urbaine, l’auteur nous entraîne dans ce qui s’apparente plutôt à un voyage dans son esprit souvent confus et parfois éveillé. Ses ready-made graphiques au fort pouvoir de suggestion, assemblés de toute évidence selon l’anti-technique du cut-up, alternent fulgurances et digressions.
Et l’ensemble nous passionne instantanément tant les images sont choisies, le propos est clair, et que, dans ce bric-à-brac, rien ne manque vraiment.
Le récit est celui de ses pérégrinations d’enchanteur, accompagné du fantôme de Le Corbusier (qui ne serait – à l’analyse – que son double inversé : l’étudiant pétri d’histoire et de théories qu’il a été), dans les réalités, réalisations et concepts de l’urbanisme passé et à venir. Il prend la forme de dialogues intimes où l’enchanteur, ce professionnel expérimenté, avoue ses doutes et incertitudes à Charles qui assume parfois et croit encore.
Tout passe dans cette joyeuse moulinette, les affres de la résidentialisation, les mobilités alternatives, la participation citoyenne, les postures aujourd’hui pathétiques des architectes postmodernes de la production des années 1980–1990, le syndrome maniaco-durabiliste (!). Avec de nombreuses et courtes réflexions sur le sens des mots (des arrêts sur glossaire).
Quelques belles astuces d’activiste des open sources viennent pimenter le tout, comme le recours aux QR codes pour contourner les droits d’auteur ou les détournements patentés.
Cet ouvrage, en partie réalisé en résidence au Polau (structure ressource et de projets située à la confluence de la création artistique et de l’aménagement des territoires portée par le ministère de la Culture et la Région Centre-Val de Loire), est un objet graphique pas vraiment identifié, bénéficiant du très beau travail des éditions Libel, spécialisées dans les romans graphiques./ Julien Meyrignac
440 pages, 35 euros