Un peuple

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Un peuple

Un film d’Em­ma­nuel Gras
KMBO

 Après le docu­men­taire J’veux du soleil, de Fran­çois Ruf­fin et Gilles Per­ret, et la fic­tion La Frac­ture, de Cathe­rine Cor­si­ni, c’est au tour d’Emmanuel Gras de consa­crer un long métrage aux « gilets jaunes ». Son choix s’est por­té sur Chartres, ville moyenne proche de Paris et pour­tant bien éloi­gnée des pré­oc­cu­pa­tions du pouvoir.

C’est sur l’un de ces fameux ronds-points de zone péri­ur­baine, conver­tis comme tant d’autres en ago­ra, que démarre le film, dans une ambiance presque tri­bale. Mal­gré la nuit et la neige, on fait cercle autour du feu, on désigne ses repré­sen­tants, on pla­ni­fie les actions à venir, on se gal­va­nise en groupe. Ils sont tra­vailleurs pauvres, inté­ri­maires, retrai­tés, infir­mières, ins­ti­tu­teurs, ancien SDF et fus­tigent tous une Ve Répu­blique minée par le libé­ra­lisme, la mon­dia­li­sa­tion et les inéga­li­tés. Par­mi eux, Agnès et Natha­lie, mères céli­ba­taires, ne croyaient pas au mou­ve­ment à ses débuts.

La seconde explique son déclic : « Quand tu es dans la misère, tu n’en parles à per­sonne. Le 17 novembre 2018 [consi­dé­ré comme le point de départ de la mobi­li­sa­tion, NDLR], on s’est ren­du compte qu’on n’était pas seuls. » C’est une « vie décente » que réclament ces tra­vailleurs aux abois, las de résoudre cette impos­sible équa­tion : « Finir le mois avec 1 200 euros et deux gosses. »

Emma­nuel Gras montre le déploie­ment du mou­ve­ment et les reven­di­ca­tions qui se des­sinent : la baisse de la TVA, des impôts et des prix pour les biens de pre­mière néces­si­té, ain­si que l’instauration du fameux réfé­ren­dum d’initiative citoyenne (RIC). Au début, les pre­mières actions se résument au démon­tage de bar­rières de péages pour lais­ser pas­ser gra­tui­te­ment les usa­gers du réseau Vin­ci. Puis le réa­li­sa­teur dévoile la struc­ture même du groupe de Chartres, orga­ni­sé par sec­teur, cha­cun doté de porte-parole et de coor­di­na­teurs. À tra­vers les dis­cus­sions, une évi­dence se fait jour : « Les grandes villes doivent mon­ter à la capi­tale ! Res­ter can­ton­nés dans nos bleds ne sert à rien ! » Et c’est ain­si que, par­tis d’un rond-point péri­ur­bain ano­nyme, les pro­ta­go­nistes d’Un peuple vont bien­tôt se retrou­ver sur le rond-point des ronds-points : la place de l’Étoile. Mais bien qu’ils militent pour une action paci­fique, ils tom­be­ront de haut lorsque la vio­lence se déchaî­ne­ra sur la plus belle ave­nue du monde. Agnès aura beau s’interposer entre ses troupes et les CRS, il est déjà trop tard. Les pavés volent, les lacry­mos crachent et le Fouquet’s prend feu. Quelques mois plus tard, alors que le mou­ve­ment s’essouffle et que le spectre du Covid s’étend sur le monde, on retrouve nos « gilets jaunes » à bout de souffle, tels des vété­rans en stress post-trau­ma­tique. Natha­lie déclare, au bord des larmes : « Ce n’est pas depuis les “gilets jaunes” que je me bats, mais depuis tou­jours. Je n’ai rien volé, on ne m’a rien offert, j’en ai tou­jours chié pour gagner ma vie. À 50 ans, à part me battre, je n’ai rien fait dans ma vie. » Le film s’achève sur un sen­ti­ment d’épuisement géné­ral, inter­ro­geant en creux la péren­ni­té du mou­ve­ment. La hausse actuelle des prix de l’énergie consti­tue peut-être un pre­mier élé­ment de réponse.

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