Une cité-jardin moderne
Une cité-jardin moderne
La Butte-Rouge à Châtenay-Malabry
Élise Guillerm
Élise Guillerm s’intéresse à la cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry en historienne de l’architecture attentive au contexte politique, social et urbain. Cette cité est un témoignage des premiers âges de l’habitat social. Le socialiste Henri Sellier, conseiller général (1910–1943) et maire de Suresnes (1919–1941), impulse la création d’un office public d’habitation à bon marché de la Seine en 1915. Il emmène architectes, urbanistes et édiles découvrir les garden cities britanniques tout comme l’architecture moderne allemande.
On peut repérer ces influences à la Butte-Rouge. Les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Rutté et le paysagiste André Riousse proposent une intégration harmonieuse de l’habitation et des espaces boisés. Ce n’est pas une réalisation d’avant-garde qui se pose en rupture avec le commun de la production de son époque, mais une déclaration de modernité attentive aux habitants. La construction des 3 700 logements de la cité s’étire sur près de trente ans à partir des années 1930.
Élise Guillerm s’intéresse à sa réception, par ses habitants et plus largement dans la société. La cité est abondamment commentée, comme dans la revue Urbanisme ou lors d’expositions comme « Demain Paris » que De Gaulle et Malraux ont visitée en 1961. La teinte rose de ses bâtiments, ses écoles aux murs vitrés totalement ouvrants (qui auraient été si utiles lors de l’actuelle pandémie !), l’emblématique immeuble en demi-lune ou encore son unité paysagère contribuent à la singulariser. L’ouvrage relate également le combat pour préserver le site. La municipalité, menée par Georges Siffredi, maire de 1995 à 2020 et aujourd’hui président du conseil départemental, souhaite démolir la cité.
Après des alertes d’habitants, de militants et d’intellectuels, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, affirme en janvier 2021 qu’elle n’hésiterait pas à engager unilatéralement son classement en Site patrimonial remarquable. Le 25 mars 2021, le conseil municipal approuve un plan local d’urbanisme qui fait peser des menaces majeures sur ce patrimoine.
Face au lourd péril de l’indifférence et la cupidité, ce livre oppose élégamment le savoir nourri d’une consultation inédite d’archives, dont celles privées de l’agence Sirvin. C’est donc davantage qu’un très bon livre d’histoire de l’architecture. / Xavier Desjardins
Parenthèses, 2022,
176 pages, 34 euros