Une France en transition
« Urbanisation, risques environnementaux et horizon écologique dans le second XXe siècle »
L’histoire environnementale est désormais solidement installée au sein des sciences humaines et sociales et ce volume collectif, fruit d’une vaste recherche universitaire transdisciplinaire, le confirme. Dans le sillage de travaux plus anciens tendant à établir une « autre » histoire des Trente Glorieuses, celle des ravages d’une croissance économique que l’on croyait sans limite, les contributions réunies dans la première partie confirment le diagnostic : politiques urbaines démesurées, installations industrielles détruisant les écosystèmes, modes de production faisant fi des contingences environnementales. À cet égard, les exemples locaux ne manquent pas, à commencer par la faillite écologique incarnée par la raffinerie de Feyzin, proche de Lyon.
La seconde partie met l’accent sur la manière dont le mouvement environnemental en France s’est progressivement constitué entre les années 1970 et 1990. Loin d’être unifiée, en particulier autour d’un parti politique, la prise de conscience environnementale a plutôt été le fruit d’initiatives locales, qu’elles soient associatives ou portées par des élus locaux qui ont eu à cœur de défendre la valeur intrinsèque de leurs territoires. On suivra également la manière dont la conscientisation écologique a progressivement irrigué l’administration, grâce à des pionniers comme Serge Antoine, haut fonctionnaire travaillant alors pour la Datar. Si la mobilisation fut bien réelle, elle resta néanmoins impuissante à lutter contre certains ravages de la pollution, comme en témoigne la gestion des déchets industriels dans l’agglomération lyonnaise.
La période suivante, les années 1980–1990, confirme que le virage écologique est toutefois pris et que l’on voit alors apparaître une nouvelle structuration de la mobilisation, notamment autour de la notion de « risque écologique ». C’est aussi durant cette période que la lutte pour l’environnement se professionnalise, tant au sein des associations qu’au niveau des municipalités qui n’hésitent plus à faire de l’écologie urbaine un thème majeur des campagnes électorales. Les différentes contributions confirment toute l’importance de l’histoire environnementale et la nécessité de poursuivre ce travail à partir d’autres territoires, qui eux aussi ont eu à gérer cette transition environnementale dans un contexte local contraint. / Thibault Tellier
Stéphane Frioux (dir.), Champ Vallon, 2021
408 pages, 27 euros