« Redonner l’espace urbain aux piétons »

 

« Se débar­ras­ser de l’automobile », voi­là l’idée volon­tiers pro­vo­ca­trice que pro­pose de déve­lop­per le cher­cheur et phi­lo­sophe qué­bé­cois Oli­vier Ducharme dans cet ouvrage. Alors que les débats de la pri­maire des éco­lo­gistes ont mis sur le devant de la scène le thème de la décrois­sance, l’auteur ana­lyse la place ultra­do­mi­nante de l’automobile dans nos modes de vie. Il cherche à prou­ver qu’elle est deve­nue plus qu’un mode de dépla­ce­ment, mais une phi­lo­so­phie de vie à part entière, par l’aménagement des espaces comme des consciences.

L’ouvrage est donc axé sur la réflexion que la voi­ture – cou­pable des pires maux : pol­lu­tion, dan­ge­ro­si­té, indi­vi­dua­lisme… – n’a plus sa place en ville. Il rap­pelle com­ment, à Mont­réal et Qué­bec, les auto­ri­tés ont pro­cé­dé à la des­truc­tion de quar­tiers his­to­riques pour per­mettre la construc­tion d’autoroutes urbaines, créant ain­si des situa­tions de dépen­dance totale à l’automobile.

La réflexion est donc à repla­cer dans son contexte nord-amé­ri­cain : popu­la­tion essen­tiel­le­ment urbaine et voi­ture ultra­do­mi­nante. Il dénonce le dis­cours poli­tique, encore pré­sent aujourd’hui, qui prône le ren­for­ce­ment du réseau rou­tier, quand cela génère in fine plus de tra­fic auto­mo­bile et donc de la conges­tion. Cela faci­lite éga­le­ment l’étalement urbain ren­dant la dépen­dance à la voi­ture tou­jours plus forte.

On retrouve ici les idées de la conjec­ture de Zaha­vi et du tra­fic induit, lar­ge­ment démon­trées dans ce conti­nent. Ducharme défend alors l’idée d’une ville à l’échelle du pié­ton, avec des quar­tiers équi­pés en com­merces et ser­vices, un réseau dense de trans­ports publics et donc l’absence totale de véhi­cule indi­vi­duel. L’auteur assume une cer­taine radi­ca­li­té dans sa vision du sujet en rap­pe­lant en conclu­sion que, face à l’urgence cli­ma­tique, l’ambition est tou­jours pré­fé­rable à l’inaction.

On peut regret­ter tou­te­fois un dis­cours trop néga­tif et insuf­fi­sam­ment déve­lop­pé sur les béné­fices d’un monde sans voi­tures. On peut ain­si pen­ser à la volon­té récente de la Ville de Paris de sup­pri­mer 70 000 places de sta­tion­ne­ment en lan­çant une consul­ta­tion des habi­tants autour du thème : « Que feriez-vous de 10 m² en bas de chez vous ? » Nico­las Gon­thier

Oli­vier Ducharme, Éco­so­cié­té, 2021
200 pages, 14 euros