Villes et territoires résilients
Ouvrage collectif
(Hermann, 2020, 462 pages, 35 euros)
Comme souvent publiés trop tardivement, les actes de ce colloque de Cerisy – tenu en septembre 2017 – commencent à dater, mais il semble important d’en diffuser les enseignements au sujet d’une thématique apparemment complexe – la résilience des villes et des territoires –, devenue entre-temps essentielle à la réflexion en matière d’urbanisme, la crise sanitaire étant passée par là. En effet, ce qui pouvait sembler, singulièrement jusqu’à mars 2020, comme un sujet de colloque un peu fumeux, voire un nouveau concept-gadget – la résilience –, a fini par constituer un axe structurant de la conception des politiques publiques : nous parlons ici des capacités d’adaptation, de transformation et d’anticipation des villes et des territoires, confrontés aux défis écologiques (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité), aux bouleversements numériques (télétravail générant du nomadisme et plateformes applicatives dans tous les domaines) et aux risques naturels et aux catastrophes de tous ordres (sanitaires, mais aussi économiques et sociaux).
Organisé comme un dialogue contradictoire et constructif entre acteurs (industriels, politiques et opérationnels) et experts (chercheurs, ingénieurs ou praticiens divers) d’horizons variés, cet ouvrage collectif propose de questionner une notion de résilience initialement destinée à la science (résistance au choc d’un métal) et à la psychologie (capacité à surmonter les chocs traumatiques), en tentant de dégager une définition applicable au champ de l’urbanisme. Ainsi, les premières contributions aboutissent-elles à caractériser la résilience urbaine et territoriale sous la forme suivante : il s’agit d’apprendre à penser les synergies et à considérer la complexité de l’anthropocène pour gérer la sécurité, anticiper les crises et ainsi préparer l’avenir…, ce qui n’est pas sans rappeler le principe de précaution, voire Le principe responsabilité, titre de l’ouvrage essentiel du philosophe allemand Hans Jonas (1979), ou plus récemment le livre Agir dans un monde incertain, de Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001).
Plus concrètement, au-delà de ces polysémies et de ces controverses et critiques scientifiques, les auteurs en viennent à dégager des secteurs et des acteurs : les réseaux techniques et urbains face à la décroissance des consommations (que la crise géopolitique et énergétique actuelle est venue amplifier) et aux aléas climatiques, les infrastructures et systèmes de transports, les gestionnaires du cycle de l’eau, les compagnies d’assurance et de prévoyance… Ce tableau est illustré par des exemples français et étrangers, issus de territoires confrontés à des dangers spécifiques (séismes) ou globaux (terrorisme), ou à des phénomènes géopolitiques déstabilisateurs (migrations et afflux de réfugiés).
Pour conclure, les auteurs en viennent à se demander qui peut piloter la ville résiliente, en mettant en exergue le rôle des gouvernements, nationaux et locaux (à l’image du Grand Paris et des Hauts-de-France, exemples développés dans l’ouvrage), ainsi que les organisations internationales, institutionnelles ou non gouvernementales, sans oublier les habitantes et habitants, et citoyennes et citoyens, sans qui la résilience ne peut être effective puisqu’elle doit être l’affaire de toutes et de tous.
Damien Augias