Villes petites et moyennes et aménagement territorial

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Villes petites et moyennes et aménagement territorial

Éclai­rages anglais, alle­mands et ita­liens sur le cas français.

Son titre laisse pen­ser que cet ouvrage se situe dans la nou­velle ortho­doxie des poli­tiques publiques qui se penchent avec sol­li­ci­tude sur nos petites et moyennes villes en dif­fi­cul­té. Mais on découvre avec plai­sir que ce n’est pas le cas.
L’ouvrage pro­pose une com­pa­rai­son Fran­ce/I­ta­lie/Al­le­ma­gne/­Royaume-Uni qui met en évi­dence la situa­tion fran­çaise par­ti­cu­lière des villes iso­lées dans leur ter­ri­toire, tout en étant ins­crites dans un espace bien plus rural que celui de leurs voi­sins (28,6 mil­lions d’habitants hors des zones urbaines !).

Les cher­cheurs, notam­ment les coau­teurs, Xavier Des­jar­dins et Phi­lippe Estèbe ont mené ces enquêtes avec une grande sobrié­té, sans moyens finan­ciers, en fai­sant jouer leurs réseaux euro­péens. Ils ont four­ni un tra­vail méri­toire de car­to­gra­phie com­pa­ra­tive (mené par Jules Peter- Jan) qui révèle de manière sai­sis­sante les situa­tions contras­tées des quatre pays étudiés.

Par­mi les leçons à tirer pour mieux agir en faveur des villes en déclin, il faut sou­li­gner le lais­ser-faire fran­çais en matière de centres com­mer­ciaux péri­phé­riques, com­pa­ré dans l’ouvrage prin­ci­pa­le­ment au cas alle­mand sur « la concen­tra­tion décen­tra­li­sée » dans l’objectif de pré­ser­ver les centralités.

Les acteurs fran­çais gagne­raient à mieux explo­rer le Royaume-Uni qui a ren­du qua­si­ment obli­ga­toire la régé­né­ra­tion urbaine par des centres com­mer­ciaux éta­blis­sant un lien avec le tis­su éco­no­mique envi­ron­nant et fabri­quant du tis­su urbain, qua­si exclu­si­ve­ment dans les cœurs de ville qui ont com­men­cé à souf­frir avant les villes fran­çaises de la déser­ti­fi­ca­tion com­mer­ciale. Le même Royaume-Uni a mené une lutte effi­cace contre le type d’étalement urbain débri­dé à la fran­çaise par un urban contain­ment, qui concentre le déve­lop­pe­ment dans les villes petites et moyennes pour évi­ter le mitage rural. Celui-ci a géné­ré, et conti­nue à le faire, des cein­tures vertes autour des villes.
Mais le contin­gen­te­ment urbain n’a pas été accom­pa­gné d’une maî­trise des coûts fon­ciers et immo­bi­liers, donc de plus d’équité sociale.

De manière com­pa­rable, les poli­tiques menées en Alle­magne de l’Ouest affirment des valeurs que la France découvre depuis peu : « Les villes doivent demeu­rer com­pactes et carac­té­ri­sées par des tra­jets courts.
Elles doivent avoir une limite d’urbanisation iden­ti­fiable… » En outre, la géo­gra­phie indus­trielle fran­çaise a pri­vi­lé­gié les implan­ta­tions dif­fuses, à proxi­mi­té des sources d’énergie ou de matières pre­mières, dans les ter­ri­toires à faible den­si­té. Ce qui ne fait pas ville, mal­gré une forte pré­sence de fonc­tions admi­nis­tra­tives. Par com­pa­rai­son, la Grande-Bre­tagne jouit de son réseau de mar­ket towns, qui ont cap­té la crois­sance dans les zones rurales, et d’un pro­gramme qui a sou­te­nu leur rôle au ser­vice du monde rural. L’organisation urbaine et la gou­ver­nance jouent un rôle majeur dans la ges­tion des villes moyennes et petites.
En Alle­magne, l’urbain s’appréhende en termes de régions urbaines, dans le cadre d’armatures urbaines. Et ce sont les villes de moins de 50 000 habi­tants qui gagnent de la popu­la­tion ! À l’inverse du cas français.

En Ita­lie, l’intrication des villes et de leur envi­ron­ne­ment est étroite tant au plan de la réa­li­té phy­sique que de leur fonc­tion­ne­ment et de leur gestion.
Ain­si, des sys­tèmes locaux sont consi­dé­rés comme des uni­tés sta­tis­tiques, mais ils repré­sentent sur­tout un vécu de type « bas­sin de vie » sou­vent indé­pen­dant de la ville-centre. Dans ce cadre, les « dis­tricts indus­triels » sont une réa­li­té carac­té­ris­tique d’un dyna­misme éco­no­mique cer­tain et fécond pour leur ter­ri­toire. Ils sont confor­tés par l’approche ita­lienne des zones d’emploi qui pri­vi­lé­gie l’intensité des rela­tions entre com­munes. Le rôle du pay­sage et de l’agriculture est éga­le­ment déter­mi­nant à cet égard avec une intri­ca­tion ville/territoire.

En termes de gou­ver­nance, c’est à l’échelon local que se conçoivent et se mettent en œuvre les stra­té­gies urbaines copro­duites entre régions et villes. Mais cela n’empêche pas l’invention d’une « Stra­té­gie natio­nale pour les ter­ri­toires inté­rieurs » que l’ouvrage ne fait que citer, alors que les ensei­gne­ments de cette démarche seraient féconds.

Au final, il faut saluer ce petit ouvrage pour son ouver­ture sur nombre de ques­tions à atta­quer de plein fouet à l’heure où agir sur les ter­ri­toires « oubliés » est plus que jamais à l’ordre du jour.

Xavier Des­jar­dins et Phi­lippe Estèbe (dir.), coll. « Réflexions en par­tage », Puca, 2019, 126 pages

Ariel­la Masboungi

 

 

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