Voyage à Gaza
Un voyage à Gaza, actuellement en salle
un film de Piero Usberti
JHR Films
Piero Usberti plombe et plonge d’entrée de jeu le spectateur dans l’effroi. Prêtant sa voix au documentaire, il énonce méthodiquement les évènements clés de l’histoire de la bande de Gaza depuis 1948, énumérant ensuite les manquements dans le quotidien des habitants depuis lors. S’ensuivent les images glaçantes et émouvantes de l’enterrement du martyr gazaoui Yasser Mortaja, journaliste décédé en 2018, à l’âge 27 ans, pour avoir fait son métier. Il est le premier à s’être doté d’un drone afin d’exposer au monde entier les photographies de cette prison à ciel ouvert. « Ouvrir le film avec lui permettait à la fois de parler de la situation en général et de commencer, déjà, à lui donner un tour plus individuel », raconte Piero Usberti.
C’est à la suite d’une conversation avec son patriarche revenant d’un séjour express à Gaza, que le jeune documentariste a l’idée de filmer le quotidien de ces habitants. « Le désir de ce film est d’abord venu du récit fait par mon père, de ce qu’il m’avait dit des gens, de la vie quotidienne, de la lumière et du vent… Désir d’aller y voir par moi même, désir lié à la découverte d’un endroit et de sa population. » Il choisit comme fil conducteur le récit de la vie quotidienne de jeunes de son âge, la vingtaine passée. On fait ainsi la connaissance de Sara et Mohanad qui ont, depuis, réussi à quitter Gaza pour s’installer en Europe. La conversation est fluide, le réalisateur est surpris par cette manière de témoigner, « presque télévisuelle », qu’il a tenté de dompter pour tendre vers un récit plus personnel.
Piero Usberti filme la beauté qui caractérise ce territoire, « dont les Israéliens eux-mêmes sont conscients : on sait qu’ils ont de grands projets touristiques à Gaza ». Malgré sa temporalité courte, – 67 minutes – on en ressort étouffé, abasourdi. D’une part en raison du bourdonnement continu dans ce désordre urbain, en partie lié aux drones qui survolent la ville et que les Gazaouis surnomment le « gros moustique ». D’autre part, car ce que montre Piero Usberti n’existe plus. « Il (Voyage à Gaza) désigne un rêve impossible ou un cri désespéré. » Évidemment politique, ce documentaire est une archive historique, un fragment du quotidien de la bande de Gaza avant le 7‑Octobre. Une incursion dans le passé, ne présageant guère des lendemains chantants.
Maider Darricau