Hong Sangsoo
Capricci Films, actuellement en salle
Dans sa filmographie fournie, plus d’une vingtaine depuis 1996, le réalisateur coréen Hong Sangsoo observe l’intime et se nourrit du quotidien pour créer ses personnages. Sans être une œuvre autobiographique, des fragments de sa personnalité se disséminent dans les trois protagonistes masculins de Walk Up. Insatiable, Hong Sangsoo réalise plusieurs films par an et revendique, pour cela, un éloignement volontaire du « système ».Propriétaire de sa société de production, il s’entoure chichement pour tourner : trois personnes, parfois quatre avec un perchman. « Le coût du film est très bas, alors je peux en tourner beaucoup », justifie le réalisateur. Cette indépendance lui permet surtout une liberté totale dans sa narration, défaite de toutes injonctions. Il compose d’ailleurs lui-même la musique. Cette aversion du système transparaît également dans ses scénarios. « L’argent est le seul critère de jugement dans ce monde », affirme le personnage principal de Walk Up.
Ce film lent et à huis clos se déroule dans un immeuble du quartier Gangnam, à Séoul, l’un des plus riches de la ville. Un réalisateur de renom, Buyngsoo, rend visite à une vieille amie et propriétaire de l’immeuble, accompagné de sa fille, qui souhaite apprendre la décoration d’intérieur aux côtés de cette femme, pointure dans le domaine. Le film alterne entre lassitude et humour. Les duos et trios s’attablent, trinquent, se révèlent par l’ivresse. Hong Sangsoo laisse place aux silences gênants, aux conversations banales et agacements, à l’instar de ce digicode que l’on peine à ouvrir, où l’on finit par s’amuser de sa maladresse. Rapidement, le quotidien de Buyngsoo s’entremêle à celui de l’immeuble, dévoilant ainsi ses occupants et ce restaurant qui bat de l’aile. Finement orchestrées, les scènes se succèdent et se ressemblent à quelques gammes près.
Hong Sangsoo est un habitué des films en noir et blanc, une esthétique particulière qu’il utilise depuis son troisième film. « J’essaie de faire attention car il donne une image arty, liée à tout un imaginaire autour des films en noir et blanc, que je n’aime pas beaucoup. Souvent, quand je fais un film d’hiver, je sens que je veux l’utiliser, mais je ne veux pas vraiment analyser pourquoi. » Dans Walk Up, on y perçoit plutôt un sentiment de nostalgie devant les interrogations philosophiques de ses personnages d’âge mûr. Un film aux airs de conte moderne qui introspecte la solitude humaine.
Maider Darricau