« Le partenariat Carrefour-Nexity est une première au niveau national »

Sébastien Vanhoove, directeur général de Carrefour Property France, et Jean-Luc Porcedo, président du pôle Transformation des territoires de Nexity, évoquent le partenariat inédit entre leurs deux groupes pour mener des opérations de mixité urbaine sur 74 sites en France.

En juillet 2023, deux poids lourds français annoncent un partenariat inédit : le groupe Carrefour, l’un des leaders mondiaux du commerce alimentaire, et le groupe Nexity, leader national de la promotion immobilière. Cette union vise à « développer des programmes mixtes à haute performance environnementale, accueillant des logements, des résidences de services, des commerces, des bureaux ou des hôtels ». L’opération concerne 39 sites en cœur de ville et 35 autres en entrée de ville ou de zone commerciale. La transformation de ces 74 sites appartenant à Carrefour, qui représentent environ 800 000 m², devrait permettre, selon les projections des deux groupes, la création de 12 000 logements, 120 000 m² de commerces, 10 000 m² de bureaux et activités, et 17 000 m² d’hôtellerie. Une union d’un genre nouveau qui va dans le sens de la densification des territoires et du repositionnement des actifs commerciaux dans leur nouvelle zone de chalandise, mais exige souvent, par son aspect prototypal, un travail dans la dentelle.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce partenariat entre les deux grands groupes que vous représentez ?

Sébastien Vanhoove : Carrefour est un groupe qui est massivement propriétaire de ses actifs immobiliers. Forts de ce patrimoine immobilier et de la localisation de nos magasins, très souvent situés dans des zones gagnées avec le temps par l’urbanisation, nous avons souhaité lancer un programme ambitieux de revalorisation de nombreux sites. Alexandre Bompard [PDG de Carrefour, ndlr] a fait de la transformation de ce patrimoine immobilier et de la mixité urbaine l’un des axes clés du plan stratégique Carrefour 2026. C’est à ce titre que nous avons initié cet important projet de valorisation de notre patrimoine. Nous pensons, en effet, qu’il a aujourd’hui besoin d’évoluer et que cela a beaucoup de sens d’y ajouter d’autres activités, d’autres « objets immobiliers » tels que des logements, du bureau, de l’hôtellerie, des résidences gérées –, et ce, dans une logique de densification qui permettra d’avoir une nouvelle zone de chalandise pour nos magasins, mais aussi d’assumer une responsabilité sociétale vis-à-vis de la collectivité.

S’agissant des reconversions de sites, c’est aussi l’occasion pour nous d’inscrire les magasins pour les quarante prochaines années au cœur des besoins des consommateurs. Nous avons donc identifié une centaine de sites en France, sur différents formats, qui ont du potentiel pour y réaliser de tels projets. Mais produire du logement, des résidences gérées et des projets d’envergure nécessite un savoir-faire. Nous avons donc cherché un partenaire qui avait cette compétence et nous avons fait le choix de retenir le groupe Nexity pour repenser avec nous ces zones commerciales, pour imaginer la programmation et réaliser les travaux.

Jean-Luc Porcedo : Il s’agit de la rencontre entre deux groupes majeurs dans leur secteur, qui font des métiers différents, mais qui convergent dans leur stratégie sur l’évolution de leur activité et la fabrique de la ville. À notre manière, l’un comme l’autre, nous sommes des acteurs fortement engagés dans les territoires. La stratégie de Nexity s’articule autour de la régénération urbaine, choix stratégique très prégnant sur tous les territoires de France, que ce soit dans les cœurs de ville, dans les entrées de ville ou encore en périphérie des villes plus éloignées – je pense notamment aux friches industrielles. Cela implique une addition de savoir-faire extrêmement importante pour notre société. Chez Nexity, nous nous adaptons aux évolutions et aux attentes des élus, en particulier, en prenant de plus en plus en compte le « déjà-là ». C’est vrai pour les rénovations ou la revitalisation des cœurs de ville, mais aussi pour la problématique des entrées de ville. Ces dernières nous apparaissent particulièrement pertinentes pour le développement de projets urbains, car ce sont des zones fortement artificialisées où les évolutions des modes de consommation des Français permettent des changements d’usage importants. Par ailleurs, dans ces entrées de ville, les élus ont souvent déjà réfléchi aux questions de mobilité – ce qui est un élément déterminant dans la fabrique de la ville.

Enfin, ce sont des territoires où l’acceptabilité de l’acte de construire est certainement moins sensible et où l’on doit donc répondre plus facilement au besoin de logements. Sans oublier que dans ces zones aujourd’hui 100 % artificialisées, nous allons ramener de la qualité d’usage, de la mixité de programmation et tout simplement de la nature et de la biodiversité, à travers l’exigence de pleine terre, qui est aujourd’hui un prérequis dans tous les projets urbains. Les questions environnementales sont au cœur de la stratégie de nos deux groupes. En octobre dernier, Nexity a été élu, pour la sixième année consécutive, leader de la construction bas-carbone (label BBCA).

Une des forces de Nexity était aussi de démontrer notre capacité à intervenir sur l’ensemble du territoire national, aussi bien dans les grandes métropoles que dans les villes moyennes, et notre aptitude à faire évoluer nos modes constructifs dans des délais contraints. Le volume de ce partenariat est important, la diversité de territoire également. C’est une première au niveau national de voir deux entreprises venant de métiers différents s’engager autour d’une si grande ambition de transformation urbaine.

S. V. : Ce partenariat est inédit en France. Les élus locaux et les collectivités locales sont satisfaits de voir cette association entre un acteur commercial important et un acteur expert de la promotion immobilière et de la régénération urbaine. Poursuivre l’intégration des magasins Carrefour dans des quartiers repensés en étroite concertation avec les élus et développer des projets adaptés à leur environnement, en intégrant une mixité d’usage sur des fonciers déjà artificialisés, est très apprécié.

J.-L. P. : Je confirme. Quand nous allons voir des élus, avoir un opérateur et un propriétaire foncier, cela change la relation dès le départ. Un opérateur solide et engagé sur plusieurs années, c’est fondamentalement différent de ce que les élus ont l’habitude de voir sur les autres projets immobiliers. C’est un travail sur une décennie. L’évènement est pédagogique, c’est ce que je ressens lorsque je raconte notre partenariat. Il y a quelques années, dire que Nexity allait s’associer avec Carrefour sur une ambition partagée et sur des projets urbains aurait pu sembler étonnant. Aujourd’hui, nous démontrons que la fabrique de la ville, pour réussir, doit mettre en mouvement des opérateurs de métier très différents.

Propos recueillis par Rodolphe Casso

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Photo de couverture : Les ruelles étroites de Grasse (Alpes-Maritimes). Crédit : Lahcène Abib/Divergence

Photo : à gauche : Sébastien Vanhoove. Crédit : Greg Gonzalez ; à droite : Jean-Luc Porcedo. Crédit : Éric Legouhy