« Et si les petits propriétaires fonciers avaient un rôle à jouer ? »

Benjamin Aubry, cofondateur de la société iudo, accompagne les particuliers dans leurs démarches de valorisation et de transformation de leurs actifs, pour réaliser de petites opérations immobilières.

 

Quel est le concept de iudo et com­ment vous est venue l’idée ?

Je suis archi­tecte de for­ma­tion et j’ai moi-même gran­di dans un pavillon. Bien que durant mes études on abor­dait très peu le sujet de l’avenir des quar­tiers pavillon­naires, j’y ai tou­jours por­té un inté­rêt très fort. Peut-être était-ce parce que j’ai habi­té à côté du pla­teau de Saclay, où je voyais des chan­tiers en plein milieu des champs, pen­dant que le reste du ter­ri­toire était quelque peu délais­sé, avec de plus en plus de pro­prié­taires vieillis­sants, vivants seuls dans des mai­sons trop grandes. À cette époque, on par­lait déjà pour­tant de « refaire la ville sur la ville ». Un des déclics a été, notam­ment, quand mon père a trans­for­mé une par­tie de la mai­son en appar­te­ments après le départ des enfants. Ce phé­no­mène était loin d’être iso­lé, beau­coup de voi­sins fai­saient ça, mais bien sou­vent sans décla­ra­tion, et sur­tout sans réel accom­pa­gne­ment. Un autre moment impor­tant pour moi a été ma ren­contre avec le Japon, où j’ai étu­dié et séjour­né à plu­sieurs reprises. Je me suis beau­coup inté­res­sé à la vita­li­té et au méta­bo­lisme des villes nip­pones, com­po­sées essen­tiel­le­ment de petits ter­rains et d’anciens lotis­se­ments. Là-bas, il est très ordi­naire de voir des rues où coha­bitent mai­sons, petits col­lec­tifs de quelques loge­ments, com­merces et acti­vi­tés. Ces opé­ra­tions reposent sur une grande diver­si­té d’opérateurs, par­mi les­quels les petits pro­prié­taires jouent un rôle majeur.

Le concept de iudo est donc né de ces expé­riences : et si les petits pro­prié­taires fon­ciers avaient un rôle à jouer dans la fabrique de la ville ? Et si on les accom­pa­gnait dans des démarches de valo­ri­sa­tion, de trans­for­ma­tion de leurs actifs pour réa­li­ser de petites opé­ra­tions immobilières ?

À la suite d’un appel à pro­jets du Pavillon de l’Arsenal, le pre­mier « FAIRE Paris », nous avons pu réa­li­ser une expé­ri­men­ta­tion pour tes­ter in situ, avec des pro­prié­taires volon­taires, les pos­si­bi­li­tés d’évolution de leur fon­cier. Cette expé­ri­men­ta­tion a per­mis de confir­mer deux choses : d’une part, qu’il existe une véri­table demande, d’autre part, qu’il est néces­saire pour cela de construire un ser­vice com­plet, qui croise com­pé­tences archi­tec­tu­rales, finan­cières, juri­diques, patri­mo­niales… C’est de là qu’est né iudo.

Vous avez lan­cé une appli­ca­tion, qui est votre outil phare. Com­ment fonctionne-t-elle ?

Au début, c’était un outil de pro­duc­ti­vi­té interne, des­ti­né à capi­ta­li­ser sur la col­lecte des don­nées préa­lables à toute opé­ra­tion et en par­ti­cu­lier les règles PLU [plan local d’urbanisme, ndlr]. Si les PLU sont non seule­ment de plus en plus com­plexes et touf­fus, ils peuvent consti­tuer, bien sou­vent, un obs­tacle majeur pour la fai­sa­bi­li­té de petites opé­ra­tions de trans­for­ma­tion-den­si­fi­ca­tion. Par­mi la mul­ti­pli­ci­té des règles qui peuvent exis­ter, le sta­tion­ne­ment peut com­po­ser un frein majeur. Lorsque l’on doit créer une, deux, voire trois places par loge­ment, cela rend les opé­ra­tions sou­vent qua­si impos­sibles. Avant d’aller plus loin, il est donc impé­ra­tif d’identifier le plus en amont pos­sible les dif­fé­rentes régle­men­ta­tions appli­cables. Nous avons pour cela créé un « enco­deur » des règles PLU, qui nous a per­mis de consti­tuer une base de don­nées cou­vrant plus de 4 000 zones à ce jour. Nous avons éga­le­ment construit un outil d’IA, Chat­PLU, per­met­tant d’interroger direc­te­ment les règles appli­cables à une par­celle. Cet outil est aujourd’hui acces­sible à tous, par­ti­cu­liers comme pro­fes­sion­nels, avec une par­tie gra­tuite et une par­tie payante. Il s’agit en quelque sorte d’un « Super Géo­por­tail aug­men­té » qui per­met d’économiser plu­sieurs heures de tra­vail en cen­tra­li­sant toutes les don­nées essen­tielles avant de com­men­cer un pro­jet. Rendre ces infor­ma­tions plus acces­sibles et démo­cra­tiques est une condi­tion néces­saire si l’on veut que davan­tage d’initiatives voient le jour. Enfin, depuis quelques mois, nous déve­lop­pons avec notre nou­veau par­te­naire, Publi­le­gal, de nou­veaux pro­jets, notam­ment à l’adresse des collectivités.

iudo a été fon­dée en 2018, soit bien avant la loi cli­mat et rési­lience et le ZAN (« zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette »). Aviez-vous sen­ti le vent tourner ?

Non, pas du tout. Comme dit au début, iudo est née d’une vision sur la manière dont les quar­tiers pavillon­naires pou­vaient évo­luer, dans une logique bot­tom-up. Pour de mul­tiples rai­sons, le modèle de la pro­mo­tion n’était pas adap­té pour inter­ve­nir dans ces tis­sus, car il néces­site sou­vent de pas­ser par des démo­li­tions et des remem­bre­ments, pas tou­jours sou­hai­tables. Fina­le­ment, le ZAN a per­mis de confor­ter notre posi­tion­ne­ment et la néces­si­té de pen­ser d’autres modèles et formes de den­si­té. Il nous a per­mis éga­le­ment de ne plus pas­ser des heures à expli­quer l’enjeu et la néces­si­té de den­si­fier les quar­tiers pavillon­naires, qui repré­sentent plus de 60 % des espaces urba­ni­sés en France.

Pro­pos recueillis par Rodolphe Casso

Lire la suite de cet entre­tien dans le numé­ro 441 « Dense, dense, dense » en ver­sion papier ou en ver­sion numérique

Pho­to de cou­ver­ture : Les ruelles étroites de Grasse (Alpes-Mari­times). Cré­dit : Lah­cène Abib/Divergence

Pho­to : Repré­sen­ta­tion axo­no­mé­trique d’un pro­jet de rénovation/ divi­sion d’une grande mai­son en trois loge­ments aux Lilas. (Arch. : Erwan Bon­duelle Archi­tec­ture ; AMO : iudo.) Cré­dit : iudo

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