Les grands défis écologiques et territoriaux imposent de réinterroger les périphéries, ces espaces urbains qui ne sont ni la ville ni le rural, pour les engager dans les différentes voies possibles de leur avenir.
Cela fait longtemps que le terme de périphéries est tombé en désuétude et a même quasiment disparu du vocabulaire. Elles sont pourtant bel et bien là, mais on ne voulait plus trop les voir ni surtout les assumer, ces périphéries qui ont accueilli massivement le développement de nos villes depuis les Trente Glorieuses.
Partant du postulat que la périphérie est une notion relative (on est toujours la périphérie de quelque chose), il est clair que la catégorie « périphérie » n’est pas univoque. Périphérie par rapport à quoi ?… par rapport au centre ou à l’espace rural environnant ? Chacun étant le centre du monde, la notion de périphérie est nécessairement relative ou subjective. Certaines « périphéries » sont d’ailleurs périphériques à plusieurs centres urbains (ce que l’Insee qualifie d’espace multipolarisé 1, mais n’a plus comptabilisé depuis quinze ans; il y avait près de 4000 communes multipolarisées en 2010, à comparer aux 12 300 communes des « couronnes des grands pôles urbains »).
Certains espaces morphologiquement classables comme « périphéries » sont même parfois placés au cœur géographique d’espaces métropolitains majeurs : prenons l’exemple de l’immense zone commerciale de Plan de Campagne entre Aix et Marseille, qui est au barycentre de la Métropole Aix-Marseille-Provence. Nous considérons ici comme périphérie tout ce qui n’est pas centre et qui n’est pas rural. Tout se complique dès lors qu’un centre peut être en périphérie d’un autre centre, ce qui est un cas fréquent dans les principales métropoles françaises, marquées par un polycentrisme qui rompt la logique centre-périphérie.
Les indicateurs statistiques globalisants, décrivant le contexte socio‑économique et territorial des périphéries, sont pratiquement tous situés entre ceux du rural et ceux des centres, comme s’il y avait un continuum. Dans un monde où l’urbain est généralisé (selon l’expression de Françoise Choay), la notion même de centre et de périphérie peut paraître incongrue. Elle est le corollaire d’autres notions telles que ville-centre, pôle, aire d’attraction, aire urbaine fonctionnelle, banlieue, périurbain, etc., que l’Insee nous propose dans une lecture spatiale en « couronnes emboîtées 2 » qui gomme beaucoup de réalités territoriales. Bref, la notion de périphérie est une catégorie trouble et mal outillée statistiquement. Elle est surtout très diverse intrinsèquement. En effet, qu’y a‑t-il de commun entre les lotissements pavillonnaires, les grands ensembles, les villes nouvelles, les zones d’activité économique, les centres commerciaux périphériques (on relèvera au passage l’oxymore), etc. ?
Le résultat de cent ans d’urbanisme extensif
Le facteur commun des périphéries urbaines est qu’elles ont répondu aux besoins d’une génération montante de classes moyennes dans une période de forte croissance économique et démographique. La « modernisation » de la France s’est appuyée sur leur développement massif et globalement qualitatif, certes poussé par des logiques économiques puissantes, mais aussi organisé par la puissance publique.
Vincent Fouchier
Vue aérienne du centre commercial Atlantis, à Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Photo : Altitude Drone/Shutterstock
1/Les « communes multipolarisées des grandes aires urbaines » sont les communes dont au moins 40 % des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs grandes aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles, et qui forment avec elles un ensemble d’un seul tenant.
2/À noter que le seuil de 40% de navetteurs (aires urbaines de l’Insee) a été complété par un seuil de 15 % (aires d ’attraction de l ’Insee, aires urbaines fonctionnelles de l’OCDE et d’Eurostat), induisant une vision plus extensive des périphéries dans leur rapport à un centre.