À Strasbourg, une approche globale du territoire vivant
Entretien avec Suzanne Brolly, adjointe à la maire de Strasbourg en charge de la ville résiliente, de l’urbanisme et des espaces verts, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg en charge de l’habitat, et de la politique foncière et immobilière, et Marie Marty, directrice de projet Stratégies EPL et Mécénat.
Quelles sont les actions déployées en faveur du vivant à Strasbourg ?
Suzanne Brolly : Je suis heureuse d’être questionnée sur le vivant, car c’est le terme que nous utilisons avec les élus et fonctionnaires de la Ville et de l’Eurométropole. Lorsque nous avons déclaré l’état d’urgence climatique, nous avons mis en avant le rôle déterminant des sols vivants, de la terre vivante. C’est le point de départ fondamental : un sol vivant permet le développement de toutes les aménités nécessaires à l’adaptation au dérèglement climatique. Nous travaillons à toutes les échelles, des grands propriétaires fonciers jusqu’aux jardiniers amateurs, des bailleurs aux entreprises en zones d’activité. Mais surtout, en commençant par le foncier de la collectivité, en mobilisant les services concernés, conformément au volet « adaptation » du plan climat : déminéralisation des cours d’écoles et autres espaces publics, aménagement des voiries, des lignes de tram, des pistes cyclables…
Ensuite, nous renforçons l’armature végétale, à Strasbourg, en suivant le plan Canopée, qui impose de planter 1000 arbres par an pendant dix ans, pour atteindre 30 % de canopée d’ici à 2050. Il ne s’agit pas de planter pour planter, ou pour gagner un prix, mais de planter les bonnes essences aux bons endroits, ce qui implique un travail d’accompagnement de tous les porteurs de projets pour qu’ils intègrent la nature, le vivant, en amont des projets et tout au long des travaux. Nos entreprises publiques locales (EPL) font évidemment partie des partenaires fondamentaux : nous les avons mobilisées sur le sujet dès le début de mandat. Elles sont des actrices clés face aux enjeux climatiques et de biodiversité. Prenez, par exemple, le marché d’intérêt national (MIN), qui est un véritable îlot de chaleur aux sols très artificialisés: la Samins, EPL qui gère le MIN, a travaillé avec l’agence d’urbanisme de Strasbourg (Adeus) pour définir des actions de désartificialisation et d’introduction de biodiversité, et les mettre en œuvre. Le port autonome de Strasbourg (PAS), établissement public dont la Ville est actionnaire à 50 %, a, lui aussi, réalisé tout un travail sur les fonctionnalités écologiques, sur ses emprises et au-delà, qui s’est traduit par de la désimperméabilisation, de la renaturation et des actions de protection de la faune. Le PAS mène aussi une réflexion sur la surélévation des bâtiments ou l’encouragement des employés à utiliser les mobilités actives.
Mais nous nous appuyons également beaucoup sur les bailleurs sociaux, dont Habitation Moderne qui est une SEM [société d’économie mixte, ndlr]. Ils font face à de nombreuses difficultés, comme l’augmentation des coûts de construction ou la baisse des dotations de l’État, ce qui ne nous empêche pas de leur demander de mieux prendre en compte la biodiversité et de faire des efforts en la matière ; mais en contrepartie, nous leur accordons des subventions dédiées. Ce sont des millions d’euros en faveur de la biodiversité.
Dans quel cadre s’inscrivent ces exigences ?
S. B. : La Ville de Strasbourg s’est dotée d’une charte, « Tous unis pour plus de biodiversité », dont les signataires s’engagent sur plusieurs objectifs, qui vont du zéro pesticide à la diversité des essences à toutes les strates – herbacées, arbustives, arborées –, ou la création de mares, la restauration de zones humides…
Et les services accompagnent les locataires et les usagers des sites dans toutes les actions sur le vivant, comme la taille des végétaux, le non-emploi de pesticides ou les modalités de fréquentation. Toutes ces actions sont suivies, elles font l’objet de bilans, et elles s’inscrivent dans les stratégies globales des opérateurs, qui concernent le bien‑être dans les logements, l’amélioration du confort thermique, etc. Nous essayons de conserver une approche globale du territoire vivant, de ne pas compartimenter les politiques.
Marie Marty : Nous avons une douzaine d’EPL, auxquelles s’ajoutent quelques autres structures que nos élus président, tels l’OPH, le port autonome, l’agence d’urbanisme ou celle du climat, réunies dans le réseau des partenaires de la collectivité. Ces entités sont sensibilisées aux intentions des élus et fortement mobilisées sur les objectifs de la charte. C’est bien évidemment le cas dans le cadre des concessions d’aménagement, qui concernent aussi bien les aménageurs parapublics que privés.
Propos recueillis par Julien Meyrignac