Grégory Bernard est adjoint au maire de Clermont-Ferrand à l’urbanisme, l’aménagement et l’architecture, conseiller métropolitain délégué au PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) et aux opérations d’aménagement d’intérêt métropolitain et président de l’agence d’urbanisme et de développement Clermont Auvergne Métropole.
Le premier PLUi de la métropole clermontoise a été arrêté et sera approuvé en 2025. Comment s’articule-t-il avec les grandes opérations en cours sur le territoire ?
Le PLUi pose des fondamentaux à travers les OAP [orientations d’aménagement et de programmation, ndlr]. Il est aussi un garde-fou : il permet d’éviter le pire et d’obtenir le meilleur à travers des limites réglementaires – en tempérant la constructibilité, pour se garder de considérer le droit à construire comme la variable d’ajustement de la viabilité économique des projets. Le PLU est également légitime à imposer des hauteurs acceptables, en posant des maximums partout dans la ville tout en autorisant des émergences sur des secteurs précis.
À l’échelle de l’opération de Saint-Jean, une certaine densité de logements et d’équipements est équilibrée par 10 ha d’espaces verts – c’est un savant dosage qui s’appuie sur une approche contextuelle et paysagère –, le projet urbain a plus de réponses en la matière que le document d’urbanisme. Plutôt que d’imposer des règles en dur qui figeraient la question des hauteurs, le travail est mené directement dans une OAP. Sur le logement, le PLU établit des règles en termes de mixité fonctionnelle, de mixité sociale, avec, par exemple, des servitudes. Mais à travers les fiches de lot des ZAC [zones d’aménagement concerté], on bascule sur de la programmation urbaine, assez « cadrante » pour ne pas nous égarer, et assez souple pour favoriser une finesse d’approche.
Quel signal envoie-t-il aux opérateurs sur le changement climatique ?
L’article 5 du règlement, sur la végétalisation, oblige les porteurs de projets à ne pas dégrader une situation environnementale existante. Au-delà de la métrique en valeur absolue, nous avons ajouté une métrique relative qui empêche la dégradation. Cela veut dire que les projets doivent faire l’objet d’un état initial.
La mécanique de conception des projets a déjà intégré cette façon nouvelle de voir les choses [avant même l’approbation du PLUi] : c’est une responsabilité partagée entre la Ville, la Métropole et le porteur de projet de ne pas pénaliser un territoire soumis au dérèglement climatique. Ainsi, nous protégeons, dans les secteurs sensibles aux îlots de chaleur, 60 % de la pleine terre existante [pour les terrains de plus de 1 000 m² en zone UG]. C’est un sujet concret qui a fait l’objet d’une négociation avec les acteurs.
Y a‑t-il un ingrédient nécessaire en plus de la planification et des projets ?
Les grandes opérations d’urbanisme comme le PLU sont des outils qui ne sont pas linéaires. Il n’y a pas un grand soir du PLU et tout change ; on a besoin de projets pour matérialiser nos orientations. Entre la planification de long terme et les urgences du moment, les avancées reposent beaucoup sur les moyens d’instruire les projets. Il n’y a pas de moratoire, pas de coup d’arrêt, mais des bifurcations qui se traduisent, certes, dans les OAP, mais aussi à travers la façon dont on accompagne les acteurs au quotidien.
La mission d’architecte-conseil de la Ville de Clermont est très précieuse – aussi importante que la règle et le projet. En face des porteurs de projets, il faut des moyens pour dialoguer, instruire, challenger les opérations au regard d’enjeux qui changent. Autant de notions qui ne peuvent pas complètement se réglementer dans le PLU ni dans une ZAC ou un PPA [projet partenarial d’aménagement], mais qui nécessitent une approche sensible.
Pour chaque projet urbain, nous faisons appel à des architectes-urbanistes et, parfois, des AMO [assistances à maîtrise d’ouvrage] appuient ce travail de dentellière qui n’est pas une simple production de normes. Nous avons des progrès à faire en intégrant des écologues dans les commissions d’appui.
Autre point d’amélioration : un changement d’échelle, au-delà de la seule commune de Clermont-Ferrand. Nous aurons bientôt un PLUi à échelle métropolitaine pour laquelle il sera alors difficile de ne pas avoir de modalités d’accompagnement.
Qu’en est-il pour les territoires ruraux ?
L’agence d’urbanisme que je préside couvre l’échelle du Massif central et inclut donc ces territoires. L’ingénierie y a reculé, en dehors d’appels à manifestation d’intérêt et du recours à des bureaux d’études, ponctuels, ou du programme national Petites villes de demain, utile mais dont le périmètre restreint empêche parfois de travailler des questions plus larges.
Il y aurait pourtant besoin de construire des solutions par un partage des enjeux dans la durée et par des formes de coopération qui prennent du temps. Sur ces territoires peu avancés au niveau de la planification, avec des communes au RNU (règlement national d’urbanisme), des élus raisonnent par rapport à des besoins territorialisés et trouvent des équilibres par l’intelligence et le dialogue territorial, comme dans le Bocage bourbonnais, très inspirant.
Propos recueillis par Lucie Romano
À retrouver dans le numéro 442 « Planifier versus réglementer » en version papier ou en version numérique
Photos : Vue du centre de Clermont-Ferrand, crédit : Fabien 1309/CC-BY-SA‑4.0 ; Grégory Bernard, crédit : Rémi Boissau ; Panneau portant un PLU imaginaire dans la nature, crédit : Francesco Scatena