Le SCoTAM, Grand Prix national du paysage 2024
Metz, France. Esplanade Garden. Moselle River. Panorama of the city on a summer day. Sunny weather. Aerial view

Le paysage, ferment nécessaire des projets de territoire

 

Aux yeux de nom­breux acteurs et obser­va­teurs, cela fait long­temps qu’en matière de pla­ni­fi­ca­tion ter­ri­to­riale et de pro­jet urbain, les élus locaux et leurs par­te­naires publics ont lâché la proie pour l’ombre, en concen­trant leurs efforts sur les ana­lyses et en dés­in­ves­tis­sant les champs du projet.

Cela depuis le début des années 2000, c’est-à-dire – iro­nie de l’histoire – à par­tir de l’entrée en vigueur des lois SRU (soli­da­ri­té et renou­vel­le­ment urbains) et UH (urba­nisme et habi­tat), qui avaient pré­ci­sé­ment pour objec­tif de favo­ri­ser le déve­lop­pe­ment de la dimen­sion pro­jet des docu­ments d’urbanisme réglementaire.

Or, jusqu’à aujourd’hui, l’immense majo­ri­té des sché­mas de cohé­rence ter­ri­to­riale (SCoT), plans locaux d’urbanisme (PLU) ont pré­sen­té et pré­sentent d’épais diag­nos­tics – dans le res­pect de l’orthodoxie des textes –, et de maigres pro­jets d’aménagement stra­té­giques (PAS) ou pro­jets d’aménagement et de déve­lop­pe­ment durables (PADD).

Les argu­ments en défense sont bien connus, les deux prin­ci­paux sont la mon­tée en puis­sance des exi­gences de conte­nu, notam­ment dans le domaine envi­ron­ne­men­tal, et la géné­ra­li­sa­tion d’une approche « comp­table » du déve­lop­pe­ment urbain (bilans de la consom­ma­tion fon­cière et « besoins » en ouver­tures à l’urbanisation). Il n’y aurait plus assez de temps (donc d’argent), d’énergie (donc de volon­té), ni même d’espace régle­men­taire pour expri­mer les visions et les pro­jets territoriaux.

Des ana­lyses qui sont confron­tées à une autre hypo­thèse : l’urbanisme comme récit et comme pra­tique serait en manque de gram­maire et de voca­bu­laire face au pro­fond chan­ge­ment de para­digme auquel il est contraint par les défis éco­lo­gique et cli­ma­tique. Il pei­ne­rait à faire émer­ger des pra­tiques et des figures de la Tran­si­tion avec un T majus­cule, capables d’embrasser les enjeux sys­té­miques, ceux de la grande et de la petite échelle, des rela­tions entre l’urbain et la nature, ceux des besoins humains face aux limites des res­sources, mais sur­tout capables de décli­ner à l’échelle macro ou micro­lo­cale les condi­tions de mise en œuvre de la bifur­ca­tion ter­ri­to­riale pour faire projet.

Le Grand Prix natio­nal du pay­sage attri­bué au syn­di­cat mixte du SCoT de l’agglomération mes­sine et à l’équipe plu­ri­dis­ci­pli­naire diri­gée par la pay­sa­giste Anne-Cécile Jac­quot (Omni­bus), pour la réa­li­sa­tion d’un plan de pay­sage dans le cadre d’une pro­cé­dure de révi­sion d’un sché­ma de cohé­rence ter­ri­to­riale, accré­dite cette hypo­thèse en appor­tant une démons­tra­tion pro­bante : le pay­sage est un ferment utile sinon néces­saire à la concep­tua­li­sa­tion et à l’expression d’un pro­jet de territoire.

À condi­tion, pour les pay­sa­gistes, de res­pec­ter un cer­tain nombre de fon­da­men­taux de l’approche telle qu’enseignée dans les écoles de pay­sage : l’humilité – prendre le temps de (re)connaître le ter­ri­toire dans ses dimen­sions vécues (le quo­ti­dien, les impres­sions, etc.) ; la rigueur – rele­ver, ana­ly­ser, inter­pré­ter, hié­rar­chi­ser, sélec­tion­ner, etc. ; enfin, le par­tage – repré­sen­ter, échan­ger, restituer.

En pre­nant garde à toute ten­ta­tion démiur­gique, en ne cédant pas à celle de s’approprier l’urbanisme comme ont pu le faire avant eux (et sans suc­cès) les géo­mètres ou les archi­tectes. Mais en inves­tis­sant avec convic­tion un domaine qui, depuis long­temps déjà, compte sur eux.

Julien Mey­ri­gnac 

 

Pho­to de cou­ver­ture : Vue aérienne des bords de Moselle, Metz. © May­ko­va Galina/Shutterstock

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Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


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