Les sols, ressources vitales et sens commun
De colloques en questions parlementaires, le sujet de la sobriété foncière continue de susciter une forme d’inquiétude au niveau local que les différents experts convoqués tentent de dissiper en exprimant le point de vue suivant : la sobriété foncière, c’est certes « moins », mais c’est aussi « mieux » et même, dans une certaine mesure, « plus ».
Less is more n’hésitent pas à dire certains d’entre eux. Mais cette appropriation de la formule chère au Bauhaus mérite d’être développée pour ne pas être qualifiée de (trop) facile, voire contre-productive. Car si less coule de source – moins d’extension géographique de l’urbanisation, moins de consommation et d’artificialisation des sols naturels ou agricoles –, la démonstration est encore à parfaire du point de vue du more.
Car ce « plus » n’est pas toujours entendu, par tous et partout, comme un gain : plus de densité, plus de compacité, plus d’intensité dans certains espaces ou lieux… sont des perspectives qui percutent les imaginaires collectifs, impliquant de les revisiter pour les transformer. Plus d’ingénierie, plus d’intervention publique, plus de dépenses… peuvent également interpeller ou inquiéter.
De telle sorte qu’il est encore possible aujourd’hui, alors que la France est engagée dans la trajectoire « zéro artificialisation nette », dans le Plan vert européen et dans sa Stratégie nationale biodiversité, de considérer que la démonstration du « plus » reste à établir.
Sans doute est-elle à développer autour de ce que nous cherchons à éviter de perdre.
Faire accepter par tous les décideurs publics locaux, par tous les acteurs de la chaîne de valeur du développement des villes et des territoires et par la société tout entière, un changement d’horizon urbain – qui ne s’étende plus, mais s’élève ; qui ne se disperse plus, mais se concentre pour laisser de la place à la nature –, cela ne peut être envisagé et mis en œuvre que pour un objectif d’intérêt général fondamental qui pourrait être résumé ainsi : éviter de perdre des ressources vitales autant qu’un sens commun.
Pour y parvenir, il est nécessaire de développer massivement les connaissances des fonctions écosystémiques des sols et des menaces qui pèsent sur elles, et de les partager auprès du plus large public dans des formats adaptés. Mais également d’inciter et de suivre des engagements résolus dans l’action afin d’apporter les preuves que cette véritable bifurcation infléchit significativement les atteintes à la biodiversité et aux ressources, et permet une amélioration tangible des conditions de vie en général.
Le cycle organisé par la Banque des Territoires au Hub des Territoires, entre mai et octobre 2024, s’inscrit résolument dans ce double objectif : diffuser le plus largement possible les connaissances sur les enjeux écologiques assignés à la préservation et restauration des sols naturels, agricoles et urbains, et mettre en lumière les bénéfices obtenus par les démarches et opérations pionnières. La somme des témoignages contenue dans ce supplément constitue de toute évidence, à elle seule, un jalon important sur le chemin de la nécessaire transformation de notre société pour refonder nos modèles d’aménagement, en lien avec le Vivant.
Julien Meyrignac
Photo : Vue aérienne de Mâcon, 2023. © Wirestock Creators/Shutterstock