Pour que palpite la périphérie

Le palmarès Palpite est une initiative nationale organisée par la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure [2022–2024, ndlr], qui s’adresse aux étudiants souhaitant s’engager dans les territoires ruraux. Le 11 avril 2024, il a ainsi récompensé cinq projets de jeunes architectes, urbanistes ou designers, pour leur approche innovante dans la transition et la redynamisation des territoires.

 

La fin du règne de l’or blanc dans les mon­tagnes de l’Est

Dans le mas­sif vos­gien, le ski consti­tue un atout majeur pour l’attractivité de la région. Pour­tant, les sports d’hiver sont en per­di­tion : 41 % des sta­tions de ski pré­sentes au début du XXe siècle ont fer­mé, faute de neige natu­relle. Depuis quelques années, les flo­cons se font plus rares en alti­tude, phé­no­mène lié à un chan­ge­ment cli­ma­tique qui s’accélère. Deux étu­diantes de l’Ensa Nan­cy, Camille Oppé et Marie Dzie­ch­ciarz se sont pen­chées sur le cas de la sta­tion de ski vos­gienne Frère-Joseph, fer­mée à l’hiver 2020. « Ce pro­jet pro­pose de consi­dé­rer l’effacement pro­gres­sif de l’activité de ski non pas comme une fata­li­té, mais comme une oppor­tu­ni­té pour les ter­ri­toires. »

L’un des pre­miers constats de cette étude est la part fina­le­ment rela­tive du tou­risme dans l’activité éco­no­mique de la région. Il est donc pos­sible d’imaginer un autre modèle en pre­nant appui sur les res­sources ter­ri­to­riales. Les lieux exis­tants peuvent être exploi­tés pour d’autres usages. Les deux archi­tectes pro­posent ain­si de trans­for­mer l’ancienne ferme-auberge en « lieu de mutua­li­sa­tion au ser­vice du ter­ri­toire », avec un espace de pro­duc­tion fro­ma­gère et une vitrine des savoir-faire. Cet espace s’intègre dans le pay­sage et est inter­con­nec­té aux ter­ri­toires alentour.

Après avoir ren­con­tré les acteurs tech­niques, poli­tiques et éco­no­miques, Camille Oppé et Marie Dzie­ch­ciarz ont conclu sur l’importance de conser­ver la sta­tion Frère-Joseph au centre de l’organisation du ter­ri­toire. Plus lar­ge­ment, c’est le mas­sif vos­gien­qui devra s’adapter aux effets du chan­ge­ment cli­ma­tique. Une réa­li­té désor­mais connue des locaux, qui ont l’intention de se ser­vir de ce pro­jet archi­tec­tu­ral pour mener un tra­vail pros­pec­tif et d’adaptation.

Grand Prix – « Les pay­sages de l’après-ski. Quel deve­nir pour la sta­tion de ski de Ven­tron ? », Camille Oppé, Marie Dzie­ch­ciarz, Ensa Nan­cy (pro­jet de fin d’études), Ven­tron (Meurthe-et-Moselle, Grand Est)

Réin­ves­tir le bâti vigneron

Dans le petit vil­lage d’Irancy (Yonne), la culture du rai­sin est ins­tal­lée depuis l’an 300. Impos­sible de tra­ver­ser la com­mune de 400 habi­tants sans être émer­veillé par les ran­gées de vignes qui « forment un amphi­théâtre majes­tueux », écrit Ele­na Cadouin, étu­diante à l’Ensa Paris Val-de-Seine. L’habitat ver­na­cu­laire local bâti, au même rythme que le déve­lop­pe­ment de la viti­cul­ture, se confond avec le pay­sage. Pour­tant, la mai­son vigne­ronne – qui a la par­ti­cu­la­ri­té d’être dotée d’une cave depuis le XVI e siècle – n’est plus adap­tée aux pra­tiques actuelles. « Par leur archi­tec­ture, les mai­sons vigne­ronnes du vil­lage sont res­tées figées dans des usages d’un mode de vie pas­sé. » En consé­quence, 20 % des habi­ta­tions de la com­mune sont confron­tées à de longues périodes de vacance, ce qui accen­tue leur vétus­té, faute d’entretien. Pour redon­ner vie à ce « patri­moine archi­tec­tu­ral et cultu­rel en péril » et revi­ta­li­ser un vil­lage qui per­dait peu à peu ses habi­tants et com­merces, Ele­na Cadouin a ren­con­tré les acteurs locaux pour ima­gi­ner une démarche de revi­ta­li­sa­tion d’Irancy. L’étudiante en archi­tec­ture a choi­si sept mai­sons témoins qu’elle a trans­for­mées – « de la réha­bi­li­ta­tion légère à la démolition/reconstruction » – pour créer un réseau de micro-équi­pe­ments. « Tel un tra­vail d’acupuncture urbaine, ces points sont ani­més et se déve­loppent dans le vil­lage et sont reliés par un par­cours tra­ver­sant les ruelles d’Irancy. » Bien sûr, les qua­li­tés archi­tec­tu­rales de cet habi­tat sont conser­vées – notam­ment son intel­li­gence bio­cli­ma­tique – et les réha­bi­li­ta­tions s’appuient sur les maté­riaux locaux. Mais l’architecte met en garde : on ne peut pas attri­buer la déser­ti­fi­ca­tion d’Irancy à la seule vacance des loge­ments. La fer­me­ture des com­merces, des équi­pe­ments de proxi­mi­té et « l’absence de trai­te­ment de l’espace public » ont par­ti­ci­pé à son lent déclin. Ain­si, conclut Ele­na Cadouin, « une stra­té­gie de revi­ta­li­sa­tion doit se pré­sen­ter comme une action glo­bale, pre­nant en compte l’ensemble des maux qui touchent le vil­lage, les consi­dé­rants comme indis­so­ciables ».

Prix du public – « Les pierres d’Irancy. Un réseau de mai­sons vacantes réin­ves­ties », Ele­na Cadouin, Ensa Paris Val-de-Seine (pro­jet de fin d’études), Iran­cy (Yonne, Bour­gogne-Franche-Com­té, Vil­lages d’avenir)

 

Mai­der Darricau

A retrou­ver dans le n°439 « Périphéries »

1) Carte des acteurs de la ges­tion de l’eau inter­pré­tée selon l’écoulement des eaux en direc­tion de l’estuaire de la Gironde, Cla­ra Soleilhavou

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