L’art urbain ou le « tournant culturel » de la contestation sociale

Simple geste esthétique ou contestation sociale, l’art urbain s’exprime, naviguant entre traces mémorielles et écueils de la récupération. Analyse.

 

La pré­sence de l’art dans la ville ces der­nières décen­nies s’est affir­mée au tra­vers des poli­tiques publiques, accom­pa­gnant le mou­ve­ment en faveur d’une cer­taine moder­ni­té dans l’urbanisme et l’architecture.

Pour San­dra Blood­worth, direc­trice du pro­gramme artis­tique de MTA (agence des trans­ports urbains) à New York, les infra­struc­tures sont éga­le­ment concer­nées (Blood­worth, Hage­man, 2024).

De l’art urbain à la contes­ta­tion sociale

Mais l’art urbain est aus­si deve­nu un levier de l’expression citoyenne sous des formes variées, par­fois inno­vantes et sur­pre­nantes, sou­vent éphé­mères et contes­ta­taires, attri­buant par­fois un nou­veau sens aux espaces publics urbains. Quelques défis sont nés de cette évo­lu­tion, par­mi les­quels le risque de récu­pé­ra­tion poli­tique et éco­no­mique, mais aus­si la dif­fu­sion et la conser­va­tion de ces traces.

Les rues et les places des villes sont deve­nues des lieux d’expression pri­vi­lé­giés pour des pra­tiques artis­tiques qui asso­cient sou­vent l’esthétique et le poli­tique, trans­for­mant ces espaces en leviers de débat public.

Dans ce mou­ve­ment, les murs des villes ont une place de choix, en tant que sup­ports de ces « ico­no­gra­phies rebelles » (Cret­tiez, Piaz­za, 2013). Un phé­no­mène qui n’est pas si nou­veau puisque dès le début du XXe siècle, en Amé­rique latine, le mura­lisme mexi­cain don­nait déjà à voir des mes­sages poli­tiques dans l’espace public, influen­çant par la suite le mura­lisme chi­ca­no aux États-Unis, qui valo­rise les ori­gines eth­niques et la mémoire d’un quar­tier (Tré­guer, 2000).

Est-il pos­sible de voir là une nou­velle forme d’expression démo­cra­tique ? C’est à cette ques­tion que le poli­tiste Oli­vier Dabène (2022) tente de répondre dans un ouvrage sur le street art en Amé­rique latine.
En obser­vant les murs de São Pau­lo, Oaxa­ca, Bogo­ta, Val­pa­rai­so et La Havane, il en déduit l’émergence d’une street level demo­cra­cy, une démo­cra­tie à l’échelle de la rue.
Dans un tra­vail anté­rieur sur les murs de l’Amérique latine, Arie­la Epstein (2015) voyait aus­si dans ces marques une autre façon d’habiter les villes, de se les appro­prier et, ce fai­sant, de pro­duire des « espaces publics ».

 

Art urbain et resi­gni­fi­ca­tion des espaces publics

 

Si, dans le cadre de ces trans­for­ma­tions des espaces urbains, le street art a joué un rôle cen­tral, il n’est plus la seule voix cultu­relle qui s’y fait entendre. S’y ajoutent d’autres formes d’expression artis­tique appe­lées « per­for­mances ». Le recours à ces pra­tiques appa­raît aujourd’hui comme un réper­toire d’action de plus en plus uti­li­sé, notam­ment dans le cadre des mou­ve­ments de reven­di­ca­tion pour les mino­ri­tés ou les droits sexuels, ou encore de luttes pour des droits dans des domaines très variés.

En Amé­rique latine, les hap­pe­nings et autres sont deve­nus des formes de mobi­li­sa­tions fré­quentes, comme en atteste l’émergence du mot « arti­visme », néo­lo­gisme qui asso­cie les notions d’art et d’activisme (Qui­roz, 2021).

 

Dia­na Bur­gos-Vigna et Cyn­thia Ghorra-Gobin

Dans une rue de La Pla­ta (Argen­tine) s’affiche la dénon­cia­tion des vio­lences contre les mino­ri­tés sexuelles (2023). Pho­to : Mar­jo­laine David

 

 

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


À pro­pos

Depuis 1932, Urba­nisme est le creu­set d’une réflexion per­ma­nente et de dis­cus­sions fécondes sur les enjeux sociaux, cultu­rels, ter­ri­to­riaux de la pro­duc­tion urbaine. La revue a tra­ver­sé les époques en réaf­fir­mant constam­ment l’originalité de sa ligne édi­to­riale et la qua­li­té de ses conte­nus, par le dia­logue entre cher­cheurs, opé­ra­teurs et déci­deurs, avec des regards pluriels.


CONTACT

01 45 45 45 00


News­let­ter

Infor­ma­tions légales
Pour rece­voir nos news­let­ters. Confor­mé­ment à l’ar­ticle 27 de la loi du 6 jan­vier 1978 et du règle­ment (UE) 2016/679 du Par­le­ment euro­péen et du Conseil du 27 avril 2016, vous dis­po­sez d’un droit d’ac­cès, de rec­ti­fi­ca­tions et d’op­po­si­tion, en nous contac­tant. Pour toutes infor­ma­tions, vous pou­vez accé­der à la poli­tique de pro­tec­tion des don­nées.


Menus