Construire une infrastructure adaptée aux besoins

Plutôt que d’employer à outrance le terme de « sobriété », ne vaudrait-il pas mieux repenser nos infrastructures et les impacts des besoins urbains sur les territoires ruraux ? Pour tendre vers une véritable transition, le chercheur Aristide Athanassiadis prône le concept de métabolisme urbain et territorial, couplé à un débat démocratique réel.

 

Les infrastructures urbaines, piliers visibles et invisibles de nos territoires, modèlent notre quotidien de manière subtile et omniprésente. Elles influencent les modes de vie et les relations sociospatiales, mais leur diversité rend difficile toute définition généraliste. Pour introduire ce numéro, il est toutefois nécessaire d’en esquisser les contours. Aristide Athanassiadis, consultant, enseignant et chercheur en métabolisme urbain, décrit l’infrastructure comme une « cristallisation de flux ». « Sans flux, nous n’avons pas d’infrastructures, et sans infrastructures nous n’avons pas de flux », explique-t-il. Il distingue les « bons » des « mauvais » types de circulation de flux, et donc d’infrastructures associées. Par exemple, les flux carbonés et linéaires reposant sur des ressources non renouvelables et polluantes comme le sable, le ciment ou le gravier génèrent des impacts négatifs. Considérons le cas d’une centrale thermique au charbon. Sa combustion émet des gaz à effet de serre et alimente un cercle vicieux néfaste pour l’environnement et la santé. À l’inverse, une maison construite en terre crue présente une empreinte carbone faible grâce à l’utilisation raisonnée d’une ressource renouvelable. Ainsi, la réflexion portant à la fois sur l’implantation des infrastructures et le choix des matériaux, façonne la vision et le développement d’un territoire. « Une infrastructure peut nous verrouiller dans un modèle de consommation spécifique : flux, mobilités, ressources. Nos choix ne sont pas anodins », résume le chercheur.

Un écosystème vivant

Si certaines infrastructures sont essentielles pour répondre à nos besoins quotidiens – se nourrir, se loger, se déplacer –, elles en génèrent de nouveaux. « Toutes les infrastructures ne sont pas cardinales. De plus, le nœud du problème est que certaines sont responsables de consommations excessives pour satisfaire un même besoin. En somme, nous recherchons celles qui proposent le meilleur ratio flux consommés/besoins essentiels fournis. » Aristide Athanassiadis souligne ainsi l’urgence de communiquer et de former les citoyens pour encourager une prise de conscience collective. Il appelle à repenser le modèle de société afin de mieux comprendre et gérer les interactions entre flux, infrastructures et besoins. Pour changer notre regard sur ces flux invisibles, le chercheur préconise de s’appuyer sur le concept de « métabolisme urbain » qui consiste à observer et analyser les territoires comme des écosystèmes vivants. « Pour assurer leurs fonctions vitales, ils ont besoin de puiser des matières et de l’énergie qu’ils consomment, transforment, puis excrètent. » Notons que la mise en pratique de ce concept s’adapte en fonction des métiers. Tandis que l’ingénieur analysera la quantification des flux en amont des territoires, le géographe et l’urbaniste privilégieront une approche qualitative en spatialisant et territorialisant l’accès à ces circulations.

Dans cette approche, le foncier constitue une « ressource comme une autre dans un jeu à somme nulle ». Aristide Athanassiadis prend pour exemple un incinérateur de Copenhague. Le Copenhill, également connu sous le nom d’Amager Bakke. Ce projet a été réalisé pour répondre aux enjeux de neutralité carbone, en remplaçant l’incinérateur par une infrastructure produisant à la fois de la chaleur et de l’électricité. Particularité notable : ce bâtiment intègre également des espaces récréatifs, tels que des pistes de ski et un mur d’escalade. Cependant, il a rapidement été confronté à plusieurs défis, dont une surcapacité de traitement des déchets qui a obligé le Danemark à importer des déchets pour rentabiliser son investissement colossal (670 millions de dollars). Deux critiques majeures ont émergé mettant en doute la pertinence du projet pour répondre aux enjeux environnementaux: le surdimensionnement favorise l’incinération au détriment du recyclage, et l’importation de déchets aggrave son empreinte écologique. Pour le chercheur, cet échec met en lumière les défis des infrastructures modernes : « Nous avons les directives européennes qui nous demandent de mieux valoriser les biodéchets et donc de ne plus les incinérer, mais ils composent la moitié des poubelles classiques ! »

Maider Darricau 

Lire la suite de cet article dans le numéro 443 « Infra et superstructures » en version papier ou en version numérique

Couverture : Jean-Louis Chapuis, studio Warmgrey

Photo : Travis Leery/Unsplash

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