Jumeau numérique, maquette numérique urbaine (MNU) et Business Information Modeling (BIM) se taillent la part du lion de la représentation 3D auprès des professionnels et des collectivités, avec pour principaux enjeux, la rénovation urbaine, l’aménagement ou la mobilité.
La carte 2D a‑t-elle trouvé ses limites ? De plus en plus, les représentations 3D du territoire arrivent dans les collectivités locales, chez les bailleurs sociaux, aménageurs, architectes, urbanistes… « À l’heure où l’étalement urbain est remis en cause, on reconstruit la ville sur elle-même. La hauteur du bâtiment prend de l’importance », constate Stéphane Gourgout, cofondateur de Bionatics, éditeurs de logiciels pour représenter le territoire.
On distingue trois types de représentations 3D du territoire: le jumeau numérique, la maquette numérique urbaine (MNU) et le Business Information Modeling (BIM). Le jumeau numérique, c’est reconstruire l’existant : ce qu’on voit (bâtiments, espaces publics, végétation…) et ce qu’on ne voit pas (données environnemen- tales, sociales, économiques, cadastre, etc.). La maquette brute peut donc s’enrichir des données SIG (système d’information géographique: réseaux enterrés, bancs, potelets, signalisation lumineuse, équipements, accessibilité, etc.) et du big data (capteurs de protection de l’air, boucles de comptage de véhicules, bruits, etc.)
Le jumeau numérique « copie » une agglomération, une ville, un quartier. Le plus souvent, il est porté par une collectivité locale, parfois, comme à Mayotte, par un établissement public foncier et d’aménagement (EPFA), qui le met ici à disposition des collectivités, aménageurs, bailleurs sociaux, etc.
À Toulouse Métropole, il n’intègre pas, pour l’instant, les données SIG, mais « d’ici à fin 2023, les réseaux enterrés et les éléments de l’espace public (arbres, lampadaires) feront leur apparition en BIM – CIM* [*voir lexique p. 38] via un appel d’offres auprès de sociétés topographiques capables de massifier les relevés grâce à des véhicules équipés de capteurs [de type Geofit, Parera, GED] », précise Pierre Pagès, chef de service modélisation numérique du territoire. Une fois le SIG intégré, on simule l’impact d’une réduction de voirie sur la circulation ou le bruit, et même à l’échelle d’une ville, un cadastre solaire, l’accessibilité ou la submersion marine comme le Pays de Brest l’a fait en 2019 avec les nouveaux chiffres du Giec. Le travail se fait comme à Brest Métropole à partir des vues aériennes (résolution de 5 centimètres) et d’un référentiel topographique via le relevé laser terrestre du domaine public (voies, bords de trottoirs, mobilier urbain, affleurements de réseaux). Toulouse Métropole a opté, elle, pour le photomaillage (orthophotoplan* 3D) dès 2020. « Le socle de la maquette est en MNT*, précis à 1 cm pour les espaces publics et à 5–10 cm pour les espaces privés. Il nous a coûté 100 000 euros pour 400 m², explique Georges Monnot, responsable connaissance du territoire à la Direction numérique. Puis on plaque un MNE* avec nos relevés lidar aériens, qu’on texture avec des relevés simultanés complémentaires (caméras à 45°) pour toits et façades. Le photo- maillage combine ces trois éléments. Chaque campagne (en plus du socle) nous coûte 35 000 euros. » Arnaud Henry précise : « Le photomaillage évite le recalcul vectoriel par le logiciel et gagne du temps. On l’utilise sur le centre-ville de Brest en complément de notre maquette vectorielle, pour zoomer sur des cœurs d’îlots. »
Mais un jumeau numérique s’entretient. Il faut soustraire les bâtiments détruits et ajouter les nouveaux à partir de photos aériennes et des plans de récolement de travaux. « On a un gros pic d’activités tous les trois ans, avec l’acquisition de nouvelles photos aériennes, pointe Arnaud Henry. Un prestataire nous trace les lignes 3D des nouveaux bâtiments et du terrain qu’on intègre dans le jumeau numérique. Puis on “retexture” ces éléments et on recalcule certaines données SIG (cadastre solaire, submersion marine…). » À Brest Métropole, Arnaud Henry travaille un tiers du temps sur le jumeau numérique, et dans les métropoles de Rennes ou Strasbourg, ce sont cinq personnes pour chacune qui y sont dédiées.
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Frédéric Ville
Cayenne (Guyane) ou Mamoudzou (Mayotte), villes aux tissus urbains vieillissants qui vont être profondément transformées, ont réalisé des jumeaux numériques complets. Ici, la maquette numérique de la ZAC de Palika, à Cayenne, s’intégrant au jumeau numérique. © Bionatics