Un appel à idées sur l’agriculture urbaine à Saint-Martin‑d’Hères, ville de banlieue de la métropole grenobloise, devient l’occasion d’un projet d’agri-urbanisme qui valorise la multifonctionnalité de cette activité et en fait un nouvel équipement autour duquel s’organise la vie de quartier.
En plein développement depuis une dizaine d’années, l’agriculture urbaine recouvre des réalités différentes : exploitations périurbaines, jardins familiaux, jardins partagés gérés par des associations, toits cultivés, serres urbaines, fermes pédagogiques…
Elle présente un caractère hybride, à la frontière entre le marchand et le non marchand, entre le formel et l’informel, et implique à la fois des professionnels (les agriculteurs) et des amateurs (les jardiniers). Elle ne concerne plus les seules « ceintures vertes » mais un ensemble d’espaces, de dimensions différentes, qui ne sont plus « périurbains » mais « intra-urbains ».
Les catastrophes liées au changement climatique (inondations, incendies…), comme la crise sanitaire dont nous commençons à voir le bout du tunnel, créent un contexte favorable à l’émergence d’une réflexion sur la relocalisation de la production agricole à proximité des lieux de consommation que constituent les quartiers des villes grandes et moyennes.
Pourtant la multiplication des initiatives ne s’accompagne pas toujours d’une réflexion sur la pérennité des activités proposées et sur les conditions de leur insertion dans les tissus urbains existants ou en cours de construction. Il convient en effet de sortir de la logique de développement de l’agriculture urbaine sur des espaces résiduels, restés non construits, car soumis à des risques naturels ou à de fortes nuisances.
De l’agriculture urbaine à l’agri-urbanisme
Andres Duany, un des fondateurs du new urbanism aux États-Unis, invite à dépasser l’approche en termes d’agricultural urbanism qui « renvoie à des agglomérations dont un des équipements est constitué par une ferme » et où l’agriculture « n’est pas physiquement ou socialement intégrée dans la communauté ».
Les fermes urbaines, les jardins communautaires ou familiaux sont en effet bien souvent considérés comme des nouveaux équipements, dont la réalisation incombe aux collectivités publiques, et qui viennent s’ajouter aux espaces verts que sont les parcs publics, les squares ou les espaces dédiés aux sports et aux loisirs.
Dans le prolongement des réflexions sur les unités de voisinage qui remontent aux expériences de garden city, d’une part, et aux travaux menés par Clarence Perry dans le cadre du Regional Plan of New York and its Environs (1929), d’autre part, Andres Duany propose un agrarian urbanism qui renvoie « à des agglomérations dans lesquelles la société est impliquée dans l’alimentation sous tous ses aspects : organisation, culture, distribution, cuisine et consommation » et qui doit permettre de renouveler le community planning dont il est un des protagonistes depuis une quarantaine d’années. L’objectif est de faire de l’alimentation un des supports de la vie sociale, au même titre que le shopping, la culture ou les loisirs.
À l’occasion d’une réponse à un appel à idées lancé par la Ville de Saint-Martin‑d’Hères, la constitution d’un consortium réunissant des compétences dans les champs de l’urbanisme et de l’architecture, d’une part, de l’agronomie et du management du développement, d’autre part, a constitué l’occasion, de proposer une nouvelle forme de projet urbain.Piloté par l’agence R2K Architecte, le consortium regroupe le laboratoire de recherche Architecture environnement & cultures constructives (École nationale supérieure d’architecture de Grenoble) et le Bureau d’études de Gally.
Un article de Nicolas Brulard, Véronique Klimine, Sophie Mulot, Gilles Novarina, Marie-Cécile Pinson
Images : L’agriculture urbaine, un système territorial – Sophie Mulot – R2K architecte et Parc Jo Blanchon © MonNuage
Un projet à découvrir
dans le numéro 422 de la revue urbanisme