« Le projet d’un territoire est développé dans le SCoT »

La Fédération nationale des SCoT, créée en 2010, a pour ambition de regrouper l’ensemble des structures porteuses de SCoT avec un objectif double : mettre en réseau, capitaliser les expériences de chacun, et participer activement aux politiques nationales d’aménagement du territoire. Rencontre avec son président, Michel Heinrich, et sa directrice générale, Stella Gass.

Les SCoT sont-ils adap­tés aux enjeux et aux défis des tran­si­tions, qui sont – entre autres – ceux de la pré­ser­va­tion et du déve­lop­pe­ment de la bio­di­ver­si­té, de la mise en œuvre de la sobrié­té fon­cière et de la régénération ?

Michel Hein­rich : Les SCoT sont des docu­ments stra­té­giques pour les ter­ri­toires, et leur moder­ni­sa­tion par la loi Elan [2018, ndlr] les a ren­dus beau­coup plus agiles. Ils abor­daient, à l’origine, 21 poli­tiques sec­to­rielles qui sont désor­mais agré­gées en trois piliers. Le pre­mier pilier, c’est l’économie au sens très large, qui déve­loppe de nom­breux enjeux trans­ver­saux : l’économie, c’est aus­si bien l’industrie, que l’agriculture, que l’aménagement com­mer­cial, etc. Le deuxième pilier, c’est l’humain : la popu­la­tion, l’habitat, les mobi­li­tés, les ser­vices, les infra­struc­tures, etc. Enfin, le troi­sième pilier, ce sont les tran­si­tions, c’est-à-dire tous les enjeux envi­ron­ne­men­taux au sens large, éco­lo­giques, éner­gé­tiques, etc.

Les SCoT sont des docu­ments-cadres, très bien ins­tal­lés dans la hié­rar­chie des pro­cé­dures, ils sont inté­gra­teurs des docu­ments de rang supé­rieur – prin­ci­pa­le­ment des Srad­det (2) –, et ils exercent un lien de com­pa­ti­bi­li­té sur les docu­ments de rang infé­rieur, notam­ment les PLU (3). Ils couvrent aujourd’hui 86 % du ter­ri­toire natio­nal pour 97 % de la popu­la­tion fran­çaise. Le plus sou­vent, ils concernent plu­sieurs EPCI (4), dont ils fixent la vision com­mune de l’aménagement du ter­ri­toire et de l’urbanisme. Non seule­ment les SCoT sont adap­tés, mais ils sont lar­ge­ment déployés dans les territoires.

Oui, mais les Srad­det ont été ren­for­cés, ils intègrent une ter­ri­to­ria­li­sa­tion notam­ment pour les objec­tifs ZAN (« zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette »). Et les péri­mètres des PLUi (plans locaux d’urbanisme inter­com­mu­naux) sont de plus en plus vastes. Les SCoT ne vont-ils pas pei­ner à conser­ver leur place entre ces deux échelles de planification ?

M. H. : Pas du tout. Pre­miè­re­ment, la ter­ri­to­ria­li­sa­tion des Srad­det s’opère au tra­vers des SCoT, avec des super­fi­cies attri­buées pour chaque SCoT. Le SCoT est le seul docu­ment qui est inté­gra­teur de tous les docu­ments de rang supé­rieur. Ensuite, les PLUi sont des docu­ments d’urbanisme régle­men­taire enca­drés par les SCoT, qui sont des docu­ments de pla­ni­fi­ca­tion, avec les­quels ils doivent être com­pa­tibles. Le SCoT, c’est le pro­jet de ter­ri­toire, et le PLUi, c’est l’urbanisme opé­ra­tion­nel qui n’est pas stra­té­gique. Le SCoT est une che­ville ouvrière néces­saire, qui intègre les grandes poli­tiques natio­nales et régio­nales et avec laquelle le PLUi se met en com­pa­ti­bi­li­té. Mais la ques­tion a été posée à l’époque de la loi Elan. J’avais dit que si on trou­vait une solu­tion per­met­tant de ne plus faire de SCoT… eh bien, j’acceptais d’y réflé­chir ! Or, il s’est avé­ré impen­sable de sup­pri­mer ce chaî­non néces­saire entre Srad­det et PLUi, impen­sable de faire l’impasse sur la stra­té­gie des ter­ri­toires à l’échelle des bas­sins de vie. L’émergence de la ques­tion de la sobrié­té fon­cière est venue ren­for­cer cette conviction.

Vous avez évo­qué la pro­blé­ma­tique des péri­mètres de SCoT pour répondre à des enjeux géo­gra­phiques de res­sources natu­relles ou socio-éco­no­miques. Quelles sont les dyna­miques actuelles ? Consta­tez-vous des élar­gis­se­ments de périmètres ?

Stel­la Gass : Aujourd’hui, 42 % des SCoT couvrent un seul EPCI, mais un grand nombre ont des péri­mètres sur les­quels les pré­fets se sont appuyés pour struc­tu­rer l’intercommunalité. Ces EPCI couvrent de grands ter­ri­toires. Mais il y a quelques évo­lu­tions, comme le Pôle métro­po­li­tain Gene­vois qui fusionne plu­sieurs SCoT, ou la Métro­pole de Mar­seille qui a fusion­né sur son péri­mètre six anciens péri­mètres de SCoT. La dis­cus­sion qu’il y avait eu à l’époque de la loi Elan sur ce sujet s’était conclue par la déci­sion de ne pas mobi­li­ser les élus sur les élar­gis­se­ments de péri­mètre, mais plu­tôt sur les sujets de fond, les enjeux de tran­si­tion et la mise en place de nou­velles tra­jec­toires et stratégies.

Le prin­ci­pal reproche adres­sé aux SCoT n’est-il pas de s’être éloi­gné des objec­tifs de la loi SRU – mettre en place des visions et des orien­ta­tions d’aménagement du ter­ri­toire – pour reve­nir à ce qu’étaient les sché­mas direc­teurs, c’est-à-dire des docu­ments moins de vision que de réglementation ?

M. H. : S’il est vrai que le SCoT « SRU » a mon­tré ses limites, les col­lec­ti­vi­tés ont su com­po­ser intel­li­gem­ment avec. Et la loi Elan a confir­mé le carac­tère stra­té­gique des SCoT. Leur sim­pli­fi­ca­tion sur trois piliers a per­mis aux ter­ri­toires d’être beau­coup plus agiles, de bien ancrer leurs poli­tiques loca­le­ment en fai­sant des choix clairs sans cher­cher à appor­ter toutes les réponses à tous les sujets. Les SCoT sont deve­nus des « lieux » de débat, avec de la prise de hau­teur et des recherches de consen­sus, en anti­ci­pant les condi­tions de mise en œuvre de leurs dis­po­si­tions dans les PLUi. Aujourd’hui, le pro­jet stra­té­gique et struc­tu­rant d’un ter­ri­toire est déve­lop­pé dans le SCoT. Du reste, pour les rares ter­ri­toires qui n’en ont pas, on voit bien la différence.

Le SCoT n’est pas là pour contraindre, mais pour éta­blir une stra­té­gie. Il est éla­bo­ré ou révi­sé par des élus com­mu­naux et inter­com­mu­naux qui doivent déve­lop­per un regard pros­pec­tif et réa­li­ser des arbi­trages. Il se révise tous les six ans, ce qui per­met de l’adapter à l’évolution du ter­ri­toire ou à l’émergence de cer­taines pro­blé­ma­tiques. Par exemple, les SCoT peuvent désor­mais inté­grer des enjeux de san­té, de nom­breux SCoT en révi­sion struc­turent leur vision autour de la ques­tion de l’eau… Ce sont des sujets désor­mais fon­da­men­taux. Aujourd’hui, vous ne pou­vez pas ne pas trai­ter la pro­blé­ma­tique de l’eau à l’échelle d’un SCoT, vous ne pou­vez pas lais­ser cette ques­tion « atter­rir » à l’échelle opé­ra­tion­nelle des PLUi. La dif­fé­rence entre les SCoT et les Sdau (5), c’est que les SCoT sont éla­bo­rés par les élus, quand les Sdau étaient pilo­tés par l’État et des experts. C’est vrai, qu’au début, les élus étaient un peu pri­son­niers de la pos­ture de ceux qui cri­tiquent, et ils ont sou­vent eu du mal à prendre ces enjeux en main. Mais ils ont appris en mar­chant, en fai­sant des diag­nos­tics, en rete­nant des bureaux d’études, en dia­lo­guant avec l’État… Ils ont appris à consi­dé­rer autre­ment leur ter­ri­toire, à tra­vailler sur ses spécificités.

Pro­pos recueillis par Julien Mey­ri­gnac

Lire la suite de cet entre­tien dans le numé­ro 442 « Pla­ni­fier ver­sus régle­men­ter » en ver­sion papier ou en ver­sion numérique

Pho­to de cou­ver­ture : Pan­neau por­tant un PLU ima­gi­naire dans la nature. Cré­dit : Fran­ces­co Scatena

Pho­to : Michel Hein­rich et Stel­la Gass. Cré­dit : D. R. 

1/ Sché­mas de cohé­rence territoriale.

2/ Sché­mas régio­naux d’aménagement, de déve­lop­pe­ment durable et d’égalité des territoires.

3/ Plans locaux d’urbanisme.

4/ Éta­blis­se­ments publics de coopé­ra­tion intercommunale.

5/ Sché­ma direc­teur d’aménagement et d’urbanisme.

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