Les périphéries, de l’étalement à la désunion
Mealan-en-Yvelines, France - Friday 29th July 2022: Thun Le Paradis train station commuter line into Paris. High quality photo

Abandonnées avant d’être reconquises, les périphéries ont connu des transformations sociologiques profondes qui n’ont pas modifié la défiance des villes à leur égard. Pour quelles raisons ?

 

Le terme de périphérie n’a inves­ti le champ de l’aménagement du ter­ri­toire qu’assez récemment. Il est appa­ru en géographie dans les années 1970, dans les tra­vaux des cher­cheurs dits régionalistes – autour de Roger Bru­net –, et notam­ment ceux d’Alain Rey­naud. Leurs ana­lyses et modélisations de l’époque s’appuyaient sur les dyna­miques constatées après‑guerre, soit l’exode rural et le ren­for­ce­ment des villes grandes et moyennes et, en l’occurrence, des fau­bourgs et ban­lieues, formes domi­nantes de la consti­tu­tion de leur périphérie. Le terme était alors par­fai­te­ment adapté, dans la mesure où il décrivait des espaces inféodés à des centres urbains, concen­trant popu­la­tion, activités, équipements, richesses et pou­voirs. Des années 1950 au début des années 1970, le tis­su urbain s’est ain­si ren­forcé en couches aréolaires pour accueillir des popu­la­tions issues de ce que l’on appe­lait alors la/les province(s) ou la/les campagne(s), qui venaient occu­per des emplois pro­duc­tifs dans le tis­su indus­triel, lui-même le plus sou­vent implanté dans cet espace périphérique.

Lorsque le terme « périphérie » s’est généralisé dans les réflexions et dis­cours des poli­tiques d’aménagement du ter­ri­toire, et notam­ment dans les publi­ca­tions de la Délégation à l’aménagement du ter­ri­toire et à l’action régionale (Datar), au milieu des années 1970, l’exode rural était conte­nu et de nou­velles dyna­miques étaient déjà à l’œuvre : celles de la « rur­ba­ni­sa­tion », pro­duit du des­ser­re­ment des centres-villes et ban­lieues vers la proche périphérie pour échapper aux nui­sances urbaines liées aux activités et au développement urbain (pol­lu­tion indus­trielle, conges­tion auto­mo­bile, etc.), pour accéder à un « confort moderne » dif­fi­cile à intro­duire dans les centres-villes… Mais aus­si, il faut bien l’écrire, pour la bour­geoi­sie et les classes supérieures, fuir les popu­la­tions prolétariennes de plus en plus présentes dans les villes et leurs exten­sions conti­nues. Une dyna­mique sou­te­nue par les gou­ver­ne­ments de l’époque, d’Albin Cha­lan­don, ministre de l’Équipement et du Loge­ment de 1968 à 1972 (et les fameuses cha­lan­don­nettes, ces mai­sons indi­vi­duelles préfabriquées visant à per­mettre au plus grand nombre de deve­nir propriétaire d’une mai­son indi­vi­duelle) à Ray­mond Barre, Pre­mier ministre (1976 à 1981), qui met en place une poli­tique d’aide à la pierre en faveur des mai­sons indi­vi­duelles qui va faire la for­tune de groupes immo­bi­liers (comme les mai­sons Phénix). À cette époque, les direc­tions départementales de l’Équipement (DDE) consacrent une énergie considérable à créer d’innombrables lotis­se­ments à tra­vers le pays.

Ce tis­su s’est prin­ci­pa­le­ment développé autour de centralités secon­daires – petites villes ou vil­lages – très sou­vent des­ser­vies par des infra­struc­tures de trans­ports en com­mun (train, RER, métro…) et grâce à la démocratisation de la voi­ture indi­vi­duelle. Ce qui a été constaté, c’est le développement d’une périphérie des premières périphéries, et l’avènement des grands lotisse- ments « cos­sus » dans les villes de seconde cou­ronne, comme Saint-Gilles à 20 minutes de voi­ture de Rennes, passée de 1137 habi­tants, en 1968, à 2808, en 1982, en accueillant de nom­breux cadres moyens et supérieurs. Ain­si se sont construites les « périphéries des années 1980 », avec une impul­sion et un accom­pa­gne­ment clairs de l’État, l’appui de grands groupes indus­triels et dans des formes organisées, pour ne pas dire normées (comme l’attestent les guides à l’attention des aménageurs de lotis­se­ments diffusés par les DDE à cette période).

Julien Mey­ri­gnac 

Meu­lan-en-Yve­lines (78), ligne de ban­lieue pour Paris. Pho­to : John New/Shutterstock

 

Lire la suite de cet article dans le n°439 « Périphéries »

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