Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé et docteur en histoire, Nicolas Bauqueta notamment enseigné à Sciences-Po et à Harvard. Spécialiste des politiques publiques, il est directeur général de L’Institut Paris Region depuis juin 2022.
Quelle place occupe la question du sol dans le nouveau schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) ?
La question du sol occupe une place centrale, matricielle dans le projet de schéma directeur environnemental (SDRIF‑E), dont la révision avait pour ambition – fixée lors de la COP [Conférence des Parties, ndlr] régionale de 2019 – d’être ZEN [« zéro émission nette »], ZAN [« zéro artificialisation nette »], et circulaire, pour doter la région d’un SDRIF‑E.
Le ZAN a été la problématique centrale de la révision, qui a structuré les réflexions et fondé les décisions. C’est pour cela que nous pouvons dire que nous avons réalisé un véritable exercice de planification écologique : pour avoir placé les questions « latouriennes » des choix d’affectation du sol au cœur des décisions politiques à l’échelle macro et micro.
La décision politique macro, c’est celle de la trajectoire de réduction de l’artificialisation choisie, qui est le choix fondamental du SDRIF‑E puisque la loi climat et résilience spécifie bien que la Région Ile-de-France doit déterminer elle-même sa trajectoire de réduction de la consommation foncière. Cet espace de liberté est aussi – surtout – un espace de responsabilité pour les politiques qui ont dû s’entendre sur une trajectoire, sur un objectif. Concrètement, cela s’est traduit par une réduction de 20 % de la consommation foncière par décennie. Cette trajectoire n’est pas uniquement le résultat d’approches purement comptables.
Elle porte la vision d’une région polycentrique, aux cadres de vie améliorés, résiliente et productive. Les élus ont également dû s’entendre sur les chemins pour l’atteindre : ce sont les décisions micro à une échelle vraiment territorialisée, par exemple pour déterminer la localisation des capacités d’urbanisation représentées sous forme de « pastilles » sur les cartes réglementaires. Parvenir à un consensus a réclamé un grand investissement des collectivités et des élus. La mise en mouvement des acteurs a été spectaculaire, et les échanges ont été bien moins conflictuels que ce que certains avaient pu craindre.
Comment cela s’est-il déroulé en pratique ?
Dans un premier temps, il a fallu réaliser un double exercice très technique de bilan des espaces artificialisés – notamment par rapport aux droits « accordés » par le SDRIF de 2013 – et d’inventaire de l’ensemble des projets d’aménagement, qui étaient dans les tuyaux ou susceptibles de l’être d’ici à 2040 ; ce qui était le moment, pour les acteurs territoriaux, d’exprimer leurs besoins. Avec des questions sous-jacentes d’importance telles que celle- ci : peut-on considérer qu’il y a un certain nombre de projets auxquels on doit aujourd’hui renoncer parce qu’ils ne s’inscrivent plus dans les trajectoires qu’on a déterminées collectivement ?
Au bilan, il n’y a pas eu un si grand décalage entre la trajectoire envisagée et les projets défendus. Ce qui veut dire que les acteurs n’ont pas fait de surenchère et ont produit eux-mêmes un travail de tri important et sérieux.
Je dis « acteurs » parce que ce ne sont pas seulement les communes et intercommunalités qui ont participé à l’exercice, mais aussi les départements, les aménageurs publics, etc. Tous partageaient la conviction qu’il était temps de changer le logiciel, qu’il était impossible de repousser à plus tard le moment de vérité. La clé de tout ce travail, c’est la collaboration réussie entre experts et politiques.
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Propos recueillis par Julien Meyrignac
© Aymeric Guillonneau