Gênes veut devenir une ville de la longévité

Selon l’OMS, près d’un quart de la population italienne a plus de 65 ans. En 2050, ce taux devrait atteindre 35 %. À Gênes, en Ligurie, ce chiffre avoisine les 30 %, ce qui en fait la grande ville la plus âgée du pays. Depuis le milieu de l’année 2024, le Progetto Genova se propose d’en faire le laboratoire d’une ville adaptée pour les personnes âgées, où l’on vieillit mieux.

 

En 2017, la ville de Gênes comp­tait 300 cen­te­naires (1). On vit vieux, dans la capi­tale de la Ligu­rie. Et c’est une bonne nou­velle. Coin­cées entre mer et mon­tagne, les ruelles étroites et raides dela métro­pole por­tuaire à l’histoire mil­lé­naire sont peut-être res­pon­sables de ce record, en garan­tis­sant de l’exercice régu­lier aux habi­tants. Consé­quence : l’indice de vieillis­se­ment génois (le rap­port en pour­cen­tage entre la popu­la­tion âgée de 65 ans et plus et celle de 0 à 14 ans) a atteint, en 2023, le chiffre de 193. Un indice en constante aug­men­ta­tion depuis 2010, alors qu’il tour­nait aux alen­tours de 150. Les plus de 65 ans repré­sentent près de 30 % des habi­tants de la ville. En paral­lèle, la popu­la­tion baisse régu­liè­re­ment depuis 1971, pas­sant de plus de 800 000 habi­tants à 561 947, au 1er jan­vier 2024 [selon l’estimation de l’Institut natio­nal de la sta­tis­tique ita­lien – Istat, ndlr]. En résu­mé : avec le taux de nais­sance le plus bas du pays pour une métro­pole, Gênes est la grande ville la plus âgée d’Italie. Pays qui est lui-même le plus âgé d’Europe.

Au-delà de l’urgence de faire reve­nir des jeunes ménages en ville, la col­lec­ti­vi­té de Gênes doit désor­mais s’adapter au vieillis­se­ment de sa popu­la­tion, ce qui n’est pas sans poser pro­blème à l’administration, et par­ti­cu­liè­re­ment pour l’urbanisme. Car, avec son relief mon­ta­gneux, ses rues étroites et sinueuses héri­tées d’un réseau viaire datant par­fois du Moyen Âge, la ville pré­sente de nom­breux défis en termes d’accessibilité, par­ti­cu­liè­re­ment pour les per­sonnes à mobi­li­té réduite. Acces­si­bi­li­té, mobi­li­tés, loge­ment et socia­li­sa­tion sont autant de sujets sur les- quels tra­vaille la muni­ci­pa­li­té pour mieux inté­grer les per­sonnes âgées. En juin 2024, le Pro­get­to Geno­va a été lan­cé. Le pro­jet est por­té par le garant des per­sonnes âgées de Gênes, le neu­ro­logue Pao­lo Tan­ga­nel­li, qui a été dési­gné en 2022 défen­seur des droits des per­sonnes âgées de la com­mune par le maire de centre-droit, Mar­co Buc­ci. Inédite en Ita­lie pour une aus­si grande ville, la dési­gna­tion d’un garant pour les droits des per­sonnes âgées a, depuis, été adop­tée par d’autres grandes villes, comme Rome, en 2023, ou encore Pise, en 2024. La mis­sion du doc­teur Tan­ga­nel­li est d’incarner l’amélioration de la vie quo­ti­dienne des seniors. Il doit, pour cela, mettre en œuvre des mesures de sou­tien pour ceux-ci, recen­ser les cas de vio­la­tion de leurs droits et les com­mu­ni­quer aux auto­ri­tés compétentes.

 

Au-delà des cam­pagnes traditionnelles

Le Pro­get­to Geno­va est la tra­duc­tion de ses deux pre­mières années de tra­vail comme défen­seur des droits des per­sonnes âgées. La feuille de route doit « éta­blir un cadre stra­té­gique en mesure d’assurer la pro­tec­tion et l’encadrement des per­sonnes âgées de la ville de Gênes et de la région Ligu­rie ». Pao­lo Tan­ga­nel­li nous pré­cise : « La ville doit aller au-delà des cam­pagnes d’information tra­di­tion­nelles pour pro­mou­voir un mode de vie actif à des­ti­na­tion des per­sonnes âgées. Elle doit, avec une atti­tude posi­tive et proac­tive, deve­nir une “ville de la lon­gé­vi­té”, c’est-à-dire une ville bien­veillante pour les per­sonnes âgées. Ce qui implique d’améliorer l’habitabilité de la ville elle-même, en agis­sant sur l’accessibilité des trans­ports, des espaces publics, de l’environnement et des ser- vices sociaux et de san­té. » Le Pro­get­to Geno­va n’en est qu’à ses débuts. « Il s’agit d’une pro­po­si­tion qui émane des com­mu­nau­tés d’habitants, que nous avons remise à la muni­ci­pa­li­té cet été. Nous devons main­te­nant mili­ter pour que ces pro­po­si­tions soient sui­vies d’effet », pour­suit le neu­ro­logue. L’association 50&Piu (« cin­quante ans et plus »), dont fait par­tie Pao­lo Tan­ga­nel­li, avait par­ti­ci­pé, dans le cadre de la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale des per­sonnes âgées, à la rédac­tion d’un Mani­feste pour les droits des per­sonnes âgées, en amont des élec­tions euro­péennes de juin 2024. Par­mi les pro­po­si­tions de ce mani­feste, deux mesures se retrouvent dans le Pro­get­to Geno­va : l’adaptation de l’environnement et des ser­vices et la garan­tie de la par­ti­ci­pa­tion active des seniors à la vie de la cité. Amé­lio­rer l’inclusivité d’une ville pour les per­sonnes âgées est une mis­sion qui prend de très nom­breuses facettes. La mise en acces­si­bi­li­té des espaces publics fait natu­rel­le­ment par­tie des prio­ri­tés, et le sujet ne peut être confon­du avec l’accessibilité pour les per­sonnes por­teuses de handicaps.

Des espaces publics qui semblent nor­maux ou, tout au moins, acces­sibles pour les per­sonnes à mobi­li­té réduite peuvent se révé­ler hos­tiles aux per­sonnes du troi­sième âge. Les grandes espla­nades, comme celle de la place de la Répu­blique à Paris, peuvent être, en l’absence de points d’appui et de zones d’ombre l’été, des espaces dif­fi­ci­le­ment tra­ver­sables pour les seniors. « À Gênes, la muni­ci­pa­li­té s’est dotée en 2021 d’un plan d’élimination des bar­rières archi­tec­tu­rales (Peba) pour amé­lio­rer l’accessibilité de tous », explique Pao­lo Tan­ga­nel­li. Ce plan a per­mis à l’équipe muni­ci­pale de prendre conscience du manque d’accessibilité de nom­breuses voi­ries, notam­ment dans le centre his­to­rique, ain­si que de lan­cer et de suivre dans le temps les inter­ven­tions des­ti­nées à éli­mi­ner ces bar­rières. Les muni­ci­pa­li­tés ont l’obligation de se doter de tels plans depuis les années 1980, mais, jusqu’à pré­sent, seul le han­di­cap était pris en compte. Et non la vieillesse. Le plan d’élimination des bar­rières phy­siques à la mobi­li­té fait suite à un tra­vail car­to­gra­phique mené par la Ville de Gênes, à par­tir de 2019, recen­sant le niveau d’accessibilité des espaces et des bâti­ments publics et les inter­ven­tions néces­saires pour l’améliorer. Quatre-vingt-qua­torze zones ont été ain­si iden­ti­fiées selon leur degré d’accessibilité. Sur la carte, elles sont indi­quées en vert (acces­sibles), jaune (par­tiel­le­ment acces­sibles), orange (par­tiel­le­ment inac­ces­sibles), et enfin rouge (inac­ces­sibles).

Arnaud Paillard

1/« Gênes, la ville ita­lienne où les seniors pros­pèrent », Le Monde, 20 novembre 2019.

Le géo­por­tail de Gênes per­met de consul­ter la carte rela­tive aux infor­ma­tions du plan d’élimination des bar­rières archi­tec­tu­rales (Peba) pour le centre his­to­rique. Cinq iti­né­raires thé­ma­tiques acces­sibles (en fau­teuil rou­lant moto­ri­sé) ont été défi­nis. Ils tra­versent le centre his­to­rique et relient les points noirs mis en évi­dence sur la car­to­gra­phie, qui repré­sentent des lieux remar­quables ou des urgences identifiées.

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Pho­to de cou­ver­ture : Le vil­lage du Bois Bou­chaud, à Nantes, ensemble médi­co-social inter­gé­né­ra­tion­nel de la Croix-Rouge. © Tho­mas Louapre / Divergence

 

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