Quand les artistes investissent l’espace public

Par conviction ou par nécessité, plutôt que de se produire sur scène, certains artistes investissent l’espace public. Leurs motivations peuvent être tour à tour personnelles ou politiques, voire les deux.

 

Ils sont dan­seur ou dan­seuse, cho­ré­graphe, direc­teur ou direc­trice artis­tique. Ils se pro­duisent sur les places, dans les rues ou encore dans des friches indus­trielles. Cer­tains ont volon­tai­re­ment délais­sé les théâtres ou les salles de spec­tacle. Par convic­tion, parce qu’ils trouvent plus de sens à inves­tir ces lieux, pour­tant ini­tia­le­ment des­ti­nés à d’autres usages.

La cho­ré­graphe Julie Des­prai­ries crée son pre­mier spec­tacle en 1998 dans des car­rières de pierre du Pont-du-Gard. « Je vou­lais sor­tir la danse des pla­teaux, explique-t-elle. J’étais inté­res­sée par l’architecture. C’est une source d’inspiration pour moi, car cela me per­met de créer au-delà du simple décor. J’ai du mal avec cette idée de conce­voir des décors arti­fi­ciels qui n’auront pas de pos­té­ri­té, de tra­vailler des choses qui n’auront pas d’existence en dehors d’elles-mêmes. »

 

Les artistes inves­tissent l’es­pace public

Julie Des­prai­ries n’est pas la seule artiste à avoir choi­si déli­bé­ré­ment de se pro­duire hors d’une scène de spec­tacle. Laure Ter­rier, direc­trice artis­tique de la com­pa­gnie Jeanne Simone, témoigne : « C’est dans l’espace public que j’ai eu mes pre­miers chocs esthé­tiques. J’avais 4 ans lorsque j’ai vu la dan­seuse contem­po­raine Caro­line Carl­son se pro­duire sur une place publique. Cela a été une révé­la­tion. C’est dans l’espace urbain que j’ai pu décou­vrir la capa­ci­té d’un corps à faire vibrer un espace et les autres autour. »

Pour ces artistes qui ont choi­si volon­tai­re­ment de se pro­duire hors de la scène, arpen­ter l’espace public garan­tit une forme de sin­cé­ri­té, autant à soi-même qu’au public.

Anne Le Batard, direc­trice artis­tique de la com­pa­gnie Ex Nihi­lo, est ain­si per­sua­dée que « le stu­dio est un espace qui a ses propres codes, qui est décon­nec­té du monde. Ton corps est pro­té­gé, tu restes dans ta thé­ma­tique, c’est un espace neutre. D’une cer­taine façon, tu es iso­lé de ta créa­tion ».

Cette cho­ré­graphe a déci­dé de sor­tir des salles de spec­tacle, il y a une tren­taine d’années. Depuis, elle se pro­duit régu­liè­re­ment dans les rues de la capi­tale pho­céenne, à l’instar du quar­tier Bel­sunce, près de la Canebière.

En effet, mus par une cer­taine quête d’authenticité, les cho­ré­graphes célèbres sont de plus en plus nom­breux à vou­loir inves­tir la rue. Ils n’étaient qu’une poi­gnée, il y a quelques décennies.

« Quand j’ai fait le choix de me pro­duire dans l’espace public, les arts de la rue étaient en pleine expan­sion. Depuis, cet espace est deve­nu un lieu d’expérimentation pour les artistes. Les écoles d’art sont même allées jusqu’à inté­grer des for­ma­tions diplô­mantes au sein de leurs cur­sus », ana­lyse Anne Le Batard, qui recon­naît volon­tiers que là où la danse de rue a tout fait pour ren­trer dans les salles de spec­tacle, la danse contem­po­raine a fait le che­min inverse en choi­sis­sant de sor­tir et d’investir l’espace public.

Emma­nuelle Picaud

 

Pho­to : Tom Riedel/Compagnie Osmosis

 

 

 

 

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