Quelles réalités pour les politiques d’« égalité femmes-hommes » ?

Dans le pro­lon­ge­ment d’un pro­jet conduit dans trois quar­tiers popu­laires du Grand Paris (2013–2017), puis d’une étude com­pa­ra­tive de la Ville de Paris avec Bar­ce­lone et Ber­lin (2015–2018), Claire Han­cock a sui­vi la mise en œuvre à l’échelle locale de poli­tiques d’« égalité femmes- hommes » aux côtés d’équipes pluridisciplinaires.

Nous avons conduit des entre­tiens avec les actrices, à différentes échelles locales, conduit des obser­va­tions dans des réunions de ser­vices ou des réunions publiques, sui­vi des enquêtes de ter­rain dans plu­sieurs collectivités de Seine-Saint-Denis et du Val- de-Marne (voir, par exemple, Blan­chard, Han­cock, 2017). Ces recherches se sont déployées en parallèle du tra­vail de doc­to­rat de Lucile Biar­rotte, qui a sui­vi minu­tieu­se­ment la mise en œuvre d’une pensée sen­sible au genre, et les résistances rencontrées, dans les milieux fran­ci­liens de l’urbanisme (Biar­rotte, 2021). Enfin, quelques entre­tiens explo­ra­toires ont été conduits à Mexi­co et Montréal en 2018, mais le pro­jet com­pa­ra­tif de plus grande enver­gure prévu n’a pu se déployer en rai­son de la pandémie. Même si la plu­part des grandes villes affichent des objec­tifs en termes d’égalité dans la pro­duc­tion urbaine et de mise en œuvre des poli­tiques publiques, le voca­bu­laire mobi­lisé, les objec­tifs affichés et les moyens déployés varient nota­ble­ment. Les varia­tions du voca­bu­laire sont sou­vent signi­fi­ca­tives : là où les villes françaises, le plus sou­vent, affichent des poli­tiques dites d’« égalité femmes- hommes», Montréal parle d’ADS+,«analyse différenciée des sexes », le « + » fai­sant référence à la nécessaire approche inter- sec­tion­nelle: mes inter­lo­cu­trices du Conseil des Montréalaises ont, en effet, insisté sur la nécessité impérieuse de prendre en compte les inégalités entre les femmes, et pas seule­ment entre les femmes et les hommes. La mise en avant d’approches féministes ne sem­blait pas poser de problèmes poli­tiques, théoriques ou pra­tiques à Montréal (comme en témoigne un « avis » de 2020 du Conseil des Montréalaises expli­ci­te­ment inti­tulé « Vers une ville féministe »). Le « plan d’action » 2021–2025 de Montréal ins­crit d’ailleurs ses actions dans un contexte général « soli­da­rité, équité, inclu­sion », qui œuvre contre toutes les dis­cri­mi­na­tions et pas seule­ment celles liées au genre. Ce plan spécifie que « la Ville de Montréal ins­ti­tu­tion­na­lise dans l’ensemble de son admi­nis­tra­tion l’Analyse différenciée selon les sexes et inter­sec­tion­nelle (ADS+). L’ADS dis­cerne de façon préventive les effets dis­tincts de l’adoption d’un pro­jet sur les femmes, les hommes ou les per­sonnes non binaires et ce, sur la base des réalités et de leurs besoins différenciés. Le + réfère au concept d’intersectionnalité, soit aux situa­tions où plu­sieurs motifs de racisme et de dis­cri­mi­na­tion (âge, sexe, iden­tité de genre, condi­tions sociales, ori­gine eth­nique, appar­te­nance reli­gieuse, limi­ta­tions fonc­tion­nelles, orien­ta­tion sexuelle…) se com­binent et mul­ti­plient les effets d’exclusion » (Montréal 2030, Plan d’action soli­da­rité, équité, inclu­sion, p. 24).

Par­mi les villes européennes étudiées, l’approche inter­sec­tion­nelle est plus rare­ment mise en avant, et le registre rete­nu est plus sou­vent celui du genre ou de l’égalité, on le ver­ra. L’enjeu semble être de par­ve­nir à intégrer ces ques­tions dans les poli­tiques urbaines sans les dépolitiser : en ce sens, mettre l’accent sur la « sécurité » des femmes conduit à pen­ser différemment le rôle qui leur est conféré que si on veille à leur « par­ti­ci­pa­tion » et si on reconnaît l’expertise genre comme exper­tise urbaine à part entière.

Lire la suite dans le numé­ro 429

Claire Han­cock

Cré­dit pho­to : Mario Cua­dros / Pexels

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