Quelles stratégies territoriales autour d’un musée ?

La création d’un équipement muséal est sou­vent fondée sur des idées reçues qui sont autant de pièges sur les­quels il est facile de trébucher. Ren­contre avec les œuvres, expérience de visite complète, impli­ca­tion des habi­tants, scénarisation auda­cieuse ou mise en réseau avec d’autres musées…, les clés de la réussite sont nom­breuses et diverses.

 

Il n’est pas de stratégie de développement ter­ri­to­rial qui n’intègre une ambi­tion de mise en tou­risme. Qui dit tou­risme dit culture, qui dit culture dit musée. Les poupées de la matrio­ch­ka sont sur la table : quoi de mieux qu’un musée pour cou­ron­ner les efforts réalisés pour développer une région, un département, une ville ? Nos amis basques de Bil­bao n’en ont-ils pas fait brillam­ment la démonstration ?

France Muséums, qui a pour mis­sion de pro­mou­voir l’excellence muséale française, ne peut que s’enthousiasmer de cette pers- pec­tive. Pour­tant, comme l’enfer est pavé de bonnes inten­tions, les ambi­tions muséales sont pleines de fausses bonnes idées. D’abord, pen­ser qu’il est facile de para­chu­ter un musée dans un lieu donné. Ensuite, ima­gi­ner qu’un musée peut, à lui seul, être le moteur de trans­for­ma­tion d’un ter­ri­toire. Troisièmement, espérer qu’un musée s’autofinance. Quatrièmement, croire que le musée est une ins­ti­tu­tion spontanément popu­laire. Enfin, vou­loir mettre en équation le succès d’un équipement cultu­rel. Une seule de ces patho­lo­gies peut conduire à l’échec. Beau­coup de pro­jets les additionnent.

Un musée pour­rait, comme au pon­cif, être reco­pié d’un endroit à un autre. Il suf­fi­rait de construire un beau bâtiment et d’y ins- tal­ler une col­lec­tion pour réunir les condi­tions du succès. Non, un musée doit s’ancrer dans son ter­ri­toire pour consti­tuer un réel outil de développement tou­ris­tique. Peut‑être qu’un parc d’attractions sou­te­nu par une marque mon­diale comme Dis­ney® peut s’abstraire de cette contex­tua­li­sa­tion (rien n’est moins sûr, au demeu­rant), mais un musée n’est pas un parc d’attractions. Il doit s’inscrire dans une démarche locale d’appropriation cultu­relle, sociale et éducative. Les musées pure­ment tou­ris­tiques existent, mais ils sont rares et tristes.

Dia­lo­guer avec les habitants

Le Louvre-Lens, extra­or­di­naire à tous égards, a tou­jours eu dans son ADN l’ambition d’attirer le plus large public tou­ris­tique natio­nal et inter­na­tio­nal, tout en veillant à dia­lo­guer en pro­fon­deur avec les habi­tants de son envi­ron­ne­ment immédiat. Une mai­son du pro­jet lors de la phase de construc­tion, des rela­tions nouées avec le tis­su asso­cia­tif et un tra­vail étroit avec les écoles ont per­mis de s’assurer que ce musée d’exception n’était pas hors-sol. Cette inser­tion est également reflétée par l’architecture du bâtiment de plain-pied, s’inscrivant dans un parc libre­ment acces­sible. Il en va de même, et sans doute de manière moins intui­tive, pour le Louvre Abu Dha­bi (pre­mier musée uni­ver­sel du XXIe siècle dans le monde arabe et pro­jet mul­ti­fa­cette radi- cale­ment inno­vant) : les autorités émiriennes en font un fac­teur d’attractivité inter­na­tio­nale de leur ter­ri­toire, mais, conco­mi­tam­ment, elles mettent tout en œuvre pour en assu­rer l’appropriation par la popu­la­tion locale grâce à des actions volon­taires sur le plan cultu­rel, éducatif et social.

Her­vé Barbaret 

Pho­to : Louvres Abu Dha­bi, Depart­ment of Culture and Tou­rism — Abu Dhabi/Photo Huf­ton + Crow

 

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