« Repenser l’aéroport comme une infrastructure au service du territoire »
L’infrastructure aéroportuaire est en pleine mutation. Dépassant son rôle traditionnel de hub de transports, elle cherche désormais à valoriser son foncier pour s’affirmer comme un acteur majeur du territoire. Entretien avec Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français & francophones associés (UAF&FA).

Une partie des infrastructures aéroportuaires françaises est vieillissante. Quels sont les investissements mis en œuvre ?
Il y a, d’une part, des investissements classiques de modernisation des installations. Nous sommes dans un secteur qui doit prendre en compte beaucoup de normes sécuritaires. Par exemple, les pistes, les taxiways et les parkings d’avion sont très réglementés, et nécessitent des investissements considérables pour leur renouvellement. L’aéroport Marseille Provence va engager 400 millions d’euros sur ce segment airside [zone d’embarquement, ndlr]. Pour rénover les aérogares vieillissantes, qui correspondent aux zones marchandes et d’accueil des passagers, les aéroports privilégient aujourd’hui des matériaux moins énergivores qui permettent de tendre vers la décarbonation et l’autoconsommation. Il y a une recherche constante d’amélioration de la qualité de service pour les passagers, en privilégiant la fluidité dans les cheminements. Les postes d’inspection filtrage (PIF) sont de plus en plus centralisés, afin de faciliter le parcours passager et d’optimiser les coûts. Bien sûr, les aéroports cherchent à améliorer leurs revenus grâce aux galeries commerciales, qui sont très attractives et appréciées des passagers. C’est une source de recettes extra-aéronautique sur laquelle nous portons une attention particulière, en modernisant ces lieux et leur qualité de service par l’innovation. D’autre part, certains aéroports vont jusqu’à développer leurs capacités d’accueil grâce à la modularité des installations. L’aéroport de Marseille Provence ou celui de La Rochelle-Ile de Ré (1) ont mis en place un système de cloisons amovibles qui se déplacent en fonction des destinations et des vols, entre l’espace Schengen non contrôlé et l’espace hors Schengen. L’aéroport s’adapte pour éviter un surcroît de surface et ainsi éviter l’extension de l’aérogare. Roissy Charles-de-Gaulle a adopté la modularité des installations après le renoncement au Terminal 4. Il n’empêche que certaines infrastructures doivent augmenter leur surface d’accueil, comme l’aéroport de Nice ou celui de Beauvais, qui connaissent une forte croissance. Il ne faut pas oublier que nous sommes des établissements recevant du public (ERP), ce qui nous oblige à ajuster les bâtiments en adéquation avec la hausse de la fréquentation.
Comment ces investissements s’accordent-ils avec les enjeux environnementaux ?
Les programmes s’inscrivant dans le développement durable montent en puissance, en particulier pour les aérogares. L’aéroport de La Réunion s’est ainsi doté, l’an passé, d’une aérogare bioclimatique, quasiment en autoconsommation. Du côté des pistes, nous commençons à électrifier les tarmacs afin d’éviter que les avions stationnaires utilisent des groupes électrogènes fonctionnant aux énergies fossiles. C’est une obligation de l’Union européenne qui va permettre aux avions d’être directement raccordés à des bornes électriques lors des escales. Enfin, il y a une grande nouveauté qui est le déploiement de sources d’énergies renouvelables, c’est l’un des défis majeurs du secteur. Les plateformes aéroportuaires vont devenir des fournisseurs d’énergie photovoltaïque, à hydrogène et géothermique, pour leurs propres besoins, mais aussi à destination des territoires d’accueil.
« L’objectif est aussi de développer des usines de production de carburants durables à proximité des aéroports, c’est le défi des trente prochaines années. »
L’infrastructure aéroportuaire présente un avantage notable, à savoir sa superficie très importante, qui n’a pas été pleinement exploitée jusqu’à présent en raison des normes de sécurité strictes. Ces zones autour des pistes sont inconstructibles, mais on peut y déployer de l’énergie solaire. Nous allons aussi installer des panneaux photovoltaïques sur les immenses surfaces des parkings. C’est d’ailleurs une obligation réglementaire qui concerne les aérogares et les bâtiments industriels de l’aéroport. De plus, certains gestionnaires envisagent d’installer des panneaux photovoltaïques sur les zones enherbées, en favorisant des partenariats locaux, comme c’est le cas à Paris ou Marseille. L’objectif est aussi de développer des usines de production de carburants durables à proximité des aéroports, c’est le défi des trente prochaines années. En jouant un rôle moteur pour structurer une filière locale, les aéroports visent à implanter les usines de production au plus près des lieux d’utilisation afin de limiter les besoins en transport. Toutefois, cette démarche exige des capacités de financements importantes.
Propos recueillis par Maider Darricau
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Note :
1/ Thomas Juin est également directeur des aéroports de La Rochelle-Ile de Ré et Rochefort Charente-Maritime.