Vingt-quatre projets de services express régionaux métropolitains (Serm) ont été officiellement labellisés par le ministère des Transports. Leur objectif : mettre en place une offre de service ferroviaire autour des grandes métropoles afin d’inciter les automobilistes à utiliser le train plutôt que leur véhicule. Les Serm dépassent désormais le cadre ferroviaire pour s’inscrire dans une logique plus vaste d’amélioration des mobilités.
En France, les grands pôles urbains ont longtemps tourné le dos au ferroviaire. Alors que le premier réseau régional outre-Rhin, le S‑Bahn de Berlin, est conçu dès 1930, le RER parisien ne voit le jour qu’en 1977. Et depuis, rien, ou presque. La plupart des métropoles se dotent de transports lourds, tramways ou métros, à partir de la fin des années 1990 et du début des années 2000, mais le ferroviaire reste isolé, peu intégré aux schémas de mobilité et peu utilisé. La confirmation des régions comme autorités organisatrices des transports ferroviaires en 2002 éloigne d’autant plus ce mode de transport de son rôle urbain. C’est par l’aménagement des gares que l’affirmation urbaine du transport ferroviaire commence. En 2007, la Région Aquitaine ouvre une gare à Cenon, sur la rive droite de l’agglomération bordelaise, en correspondance avec le tramway. En 2009, la Région Rhône-Alpes aménage la nouvelle gare de Lyon-Jean-Macé, en correspondance avec le tramway et le métro dans le 7e arrondissement de Lyon. En 2014, c’est au tour de la gare de Marseille-Euroméditerranée d’être inaugurée, au pied de la tour de CMA-CGM.
Succès contrasté, mais deuxième souffle
Si la gare Jean-Macé, très bien desservie, attire près d’1,5 million de voyageurs par an, celle d’Euroméditerrannée plafonne autour de 70000 usagers – soit moins de deux cents par jour. Car construire des gares en interconnexion entre le système ferroviaire régional et les transports urbains ne suffit pas à provoquer un report modal vers les transports publics si l’offre n’est pas adaptée. Le Livre blanc des Serm, publié en mars 2024 en partenariat par SNCF Réseau, la Société des Grands Projets (SGP) et le ministère chargé des Transports, fait ainsi le constat que « si la complémentarité entre les différents modes de transport a souvent été pensée pour structurer les réseaux de bus à haut niveau de service (BHNS), de tramway ou de métro, qui font l’objet d’une coordination par les instances métropolitaines, la desserte ferroviaire est souvent restée à la marge de cette réflexion. Les gares ferroviaires sont considérées comme des pôles à desservir, mais l’inclusion du système ferroviaire dans la conception globale du système de transport s’arrête généralement là, ce qui peut occasionner des services en redondance, ou manquant de coordination entre eux (billettique et horaires) ».
La prise de conscience de cette limite est à l’origine de l’ambition de la loi d’orientation des mobilités (LOM), adoptée en 2019, qui visait à « doubler la part du mode ferroviaire dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains ». Alors que cette volonté restait à l’état de vœu pieux, en novembre 2022, Emmanuel Macron annonce le développement d’un «réseau de RER, un réseau de trains urbains », dans dix grandes agglomérations françaises. Un an plus tard, l’ambition présidentielle est traduite par une loi, qui crée un cahier des charges pour ce qu’on appelle désormais les Serm. Le service doit s’appuyer prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire, mais comprendre obligatoirement une offre de cars express. Leur objectif est d’améliorer la qualité des transports du quotidien en desservant mieux les zones périurbaines des grandes métropoles. Depuis la promulgation de la loi, 24 projets de Serm ont été labellisés. En 2023, Jean-Marc Offner, ancien directeur de l’agence d’urbanisme de Bordeaux et professeur à l’école urbaine de Sciences-Po, analyse dans La Grande Conversation, revue en ligne du think tank Terra Nova: «La plupart des grandes agglomérations semblent vouloir “ne pas rater le train”, alors que des sources inédites de financement s’élaborent ; et qu’elles peinent à élaborer des stratégies de décarbonation des mobilités quotidiennes compatibles avec les aspirations de leurs habitants. Les régions, pour leur part, ont construit une bonne part de leur légitimité sur les TER. Les RER métropolitains créent un deuxième souffle bienvenu. »

À infrastructure constante
Deux métropoles avaient devancé les annonces présidentielles, Strasbourg et Bordeaux, en suivant deux stratégies de déploiement différentes, mais en conservant la même philosophie: développer un réseau sans grandes nouvelles infrastructures. La première a lancé, quelques années auparavant, une réflexion sur le Reme, pour Réseau express métropolitain européen. « C’était en 2018, se souvient Thibaud Philipps, vice-président de la Région Grand Est délégué aux transports, à l’occasion d’un Grenelle des mobilités sur le périmètre strasbourgeois. L’enjeu était d’améliorer les mobilités sur le réseau ferroviaire métropolitain, à infrastructure constante, en profitant de la construction d’une quatrième voie au nord de Strasbourg qui permettait d’améliorer les cadences sur l’étoile ferroviaire. » Le principe est simple : multiplier les trains sur trois lignes du réseau existant pour créer des liaisons cadencées à la demi-heure, sur des horaires étendus, en « diamétralisant » la ligne Saverne-Sélestat. L’objectif de faire rouler 1 000 trains en plus par semaine n’a pu être atteint, le lancement du service ayant été émaillé de très nombreux dysfonctionnements. « La direction régionale de la SNCF n’avait pas anticipé l’effort que demandait un tel changement, explique Thibaud Philipps. Il a fallu s’inspirer de l’expérience du Transilien pour développer des compétences propres aux Serm. » Deux ans plus tard, le bilan est positif, à en croire la Région, qui constate une augmentation de 20% de la fréquentation en 2024 sur les lignes du Reme, contre 10% sur le reste du réseau. « La gare de Strasbourg est devenue la première gare de France hors Paris, avec deux fois plus de trains qu’à Bordeaux-Saint-Jean », pointe-t-il.
Arnaud Paillard
Lire la suite de cet article dans le numéro 443 « Infra et superstructures » en version papier ou en version numérique
