Un outil d’accélération de la transition écologique

Les technologies de machine learning et deep learning ouvrent à la compréhension du territoire : milieux naturels, espèces, aménagement, pollutions. Elles offrent ainsi aux aménageurs des perspectives toujours plus spectaculaires, leur permettant notamment de modéliser l’évolution de l’occupation des sols, des risques et, ainsi, de piloter la transition écologique. Illustration par la preuve, via l’atlas IGN Cartographier l’anthropocène.

L’aménagement urbain est deve­nu un véri­table casse-tête pour les élus comme pour les urba­nistes et pro­mo­teurs. Afin de limi­ter l’impact néga­tif de l’urbanisation sur l’environnement, les contraintes se mul­ti­plient. « En France, l’urbanisme se fait à tra­vers un empi­le­ment crois­sant de docu­ments, constate Julien Per­ret, direc­teur de recherche à l’IGN. Et les acteurs impli­qués font face à de plus en plus de struc­tures, dis­po­si­tifs, lois, mesures, etc. » Entre SCoT (sché­ma de cohé­rence ter­ri­to­riale), PLH (pro­gramme local de l’habitat), PLU (plan local d’urbanisme), Srad­det (sché­ma régio­nal d’aménagement, de déve­lop­pe­ment durable et d’égalité des ter­ri­toires), pro­grammes aux acro­nymes variés et autres articles du Code de l’urbanisme, cette diver­si­té d’échelles et d’objets régle­men­tés impose tou­jours plus d’obligations, dif­fi­ciles à appré­hen­der par leur ampleur et leur com­plexi­té. Très cri­ti­qué, un pro­ces­sus fait notam­ment cou­ler beau­coup d’encre et de salive : la limi­ta­tion de l’étalement des agglo­mé­ra­tions. « En consé­quence, rebon­dit Julien Per­ret, la pré­vi­sion des effets et des confi­gu­ra­tions spa­tiales à entre­prendre néces­sitent pour les amé­na­geurs de trou­ver le moyen d’identifier et de confron­ter cohé­rences et inco­hé­rences des dis­po­si­tifs entre eux, mais aus­si contraintes et contra­dic­tions aux­quelles ils doivent faire face. »

Face au casse-tête de l’aménagement urbain

L’objectif pour les cher­cheurs et déci­deurs est donc de dis­po­ser des meilleurs outils pour com­prendre et maî­tri­ser les méca­nismes. « Déve­lop­per des zones rési­den­tielles ou construire de nou­veaux bâti­ments obligent à prendre en compte une mul­ti­tude d’interactions et de para­mètres », constate Maxime Colomb, ingé­nieur de recherche à Inria (Ins­ti­tut natio­nal de recherche en sciences et tech­no­lo­gies du numé­rique) Saclay, cher­cheur invi­té sur les struc­tures spa­tio­tem­po­relles pour l’analyse des ter­ri­toires, au LaS­TIG, uni­té mixte de recherche entre l’Institut natio­nal de l’information géo­gra­phique et fores­tière (IGN), l’université Gus­tave-Eif­fel et l’École d’ingénieurs de la ville de Paris (EIVP). « Com­ment, par exemple, déter­mi­ner les com­pa­ti­bi­li­tés de zonage et de contraintes régle­men­taires d’un PLU avec les objec­tifs de réduc­tion de la consom­ma­tion fon­cière du SCoT, ou ceux de créa­tion de loge­ments du PLH ?, inter­roge-t-il. Autre défi : appré­hen­der, sur un ter­ri­toire inter­com­mu­nal, chaque situa­tion com­mu­nale par­ti­cu­lière à une échelle plus pré­cise. »

Pour per­mettre de mieux enca­drer les évo­lu­tions cli­ma­tiques et le pay­sage natio­nal, l’IGN, qui a en charge la pro­duc­tion, l’entretien et la dif­fu­sion de l’information géo­gra­phique en France, s’est vu confier une mis­sion d’envergure : recueillir toutes les cartes de l’anthropocène. En plus du tra­vail pho­to­gra­phique à haute réso­lu­tion pro­po­sé depuis trois ans, et qui per­met­tait déjà une obser­va­tion détaillée, l’atlas Car­to­gra­phier l’anthropocène (1) met aujourd’hui l’accent sur l’utilisation de l’intelligence arti­fi­cielle. L’occasion de mon­trer com­ment ces tech­no­lo­gies servent d’outils de diag­nos­tic et de simu­la­tion, au pro­fit des ter­ri­toires. Ensuite, les modé­li­sa­tions sont affi­nées par les humains avec phase de pros­pec­tion sur le ter­rain. Objec­tif : pilo­ter et com­prendre les chan­ge­ments envi­ron­ne­men­taux, et en éva­luer plus fine­ment l’impact

Des tech­no­lo­gies de pointe au ser­vice de la décision

Dans le cadre de sa thèse, Maxime Colomb a tra­vaillé sur un modèle de simu­la­tion de l’agglomération urbaine du Grand Besan­çon. Il s’agissait d’établir des confi­gu­ra­tions réa­listes sur la base de plu­sieurs scé­na­rios. « Cela ouvrait à dif­fé­rentes pers­pec­tives sur une vaste zone : remem­bre­ment par­cel­laire, fusion de par­celles, pro­po­si­tions de décou­page dans le cadre de la créa­tion de quar­tiers et de nou­veaux loge­ments. En clair, que pou­vait construire la col­lec­ti­vi­té ? À tra­vers quel type d’organisation ? Et à quelles contraintes issues des docu­ments de réa­li­sa­tion était-elle sou­mise ? » Asso­cié à l’IGN, il a pu mener son tra­vail grâce au pro­jet modèle ArtiS­cales (2). Ce simu­la­teur per­met­tant d’illustrer en image 3D le déve­lop­pe­ment rési­den­tiel sur une zone d’étude s’appuie sur Par­cel Mana­ger, un outil de loca­li­sa­tion des par­celles exis­tantes et construc­tibles. Lorsqu’elles appa­raissent comme per­ti­nentes à urba­ni­ser, le logi­ciel MUP-City inter­vient pour éva­luer le poten­tiel de construc­tion de chaque empla­ce­ment, en tenant compte des spé­ci­fi­ci­tés et des points d’intérêt de l’aménagement (réseaux de trans­ports, com­merces, ser­vices, etc.). Enfin, SimPLU3D simule les bâti­ments en trois dimen­sions, dans le res­pect des contraintes régle­men­taires du PLU. « En résu­mé, le modèle ArtiS­cales mesure l’impact des modi­fi­ca­tions, simule les confi­gu­ra­tions rési­den­tielles selon les contraintes, en jouant sur les formes du pro­gramme, les zonages des docu­ments locaux d’urbanisme, etc., détaille Julien Per­ret. Les uti­li­sa­teurs concentrent ain­si l’analyse des résul­tats du cou­plage ArtiS­cales sur l’estimation de la créa­tion de loge­ments ain­si que sur la den­si­té de loge­ments par hec­tare, véri­fient sa concor­dance avec les objec­tifs défi­nis dans le PLH et le SCoT. Pour chaque par­celle, ils peuvent ain­si com­po­ser des scé­na­rios et visua­li­ser les pers­pec­tives en fonc­tion d’une mul­ti­tude de para­mètres. »

Yves Deloi­son

Lire la suite de cet article dans le numé­ro spé­cial 6 « Fabrique de la ville — La révo­lu­tion IA » en ver­sion papier ou en ver­sion numérique

Pho­to de cou­ver­ture : Jumeau numé­rique de la région métro­po­li­taine de Bar­ce­lone (détail). Cré­dit : Aretian

Pho­to : Carte d’occupation du sol (OCS GE), Les sablières Malet (Por­tet-sur-Garonne) Cré­dit : IGN, 2022 

Pho­to : LiDAR HD pour la pré­ven­tion des inon­da­tions, Wime­reux (Pas-de-Calais). Cré­dit : IGN, 2023

1/ www.ign.fr/atlas-ign-des-cartes-de-lanthropocene-2024-intelligence-artificielle

2/ L’outil est dis­po­nible sous licence ouverte sur artiscales.github.io

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