À la faveur de son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco et du rachat à l’État de son domaine thermal, la sous-préfecture de l’Allier porte une grande politique de redynamisation touristique axée sur le sport, la nature, la culture et le patrimoine, résolument orientée vers l’avenir, et sans faire l’impasse de la mémoire.
Vichy se visite la tête en l’air. « C’est un musée à ciel ouvert », commente Adrien Southon, directeur adjoint de Vichy Destinations, l’office de tourisme. Allusion au parc des Sources qui concentre des joyaux tels que le grand établissement thermal avec son dôme à l’architecture mauresque, la galerie promenoir Art nouveau, le hall des Sources et sa verrière Art déco, le Palais des congrès de style Second Empire, l’Opéra avec sa salle couleurs or et ivoire, ou le kiosque à musique. Et dans les rues alentour, la liste des constructions remarquables est longue comme le bras. À commencer par les « chalets », ces demeures de style suisse où logeaient Napoléon III, l’impératrice Eugénie et les dignitaires du régime, durant leurs séjours à Vichy. Ou encore les maisons en enfilade à l’architecture so british de la rue Alquié, construites pour les officiers de la Garde impériale. Ailleurs, des demeures d’inspiration vénitienne, flamande, tunisienne, marocaine captent le regard.
Dans leur déclinaison urbaine, les villes d’eaux laissent deviner la recherche d’un cadre de vie idéal.
Dans le périmètre du domaine thermal, Vichy concentre aussi une somme impressionnante d’anciens palaces : le Carlton, le Majestic, les Ambassadeurs, l’Astoria, le Rhul, l’International, ou encore l’Hôtel du Parc avec son histoire chargée puisqu’il abritait les bureaux de Pétain et de Laval (lire encadré p. 29). Après-guerre, les palaces ont perdu leur fonction hôtelière avec la raréfaction de la clientèle richissime de jadis, et le long déclin du thermalisme à partir des années 1960. Ils ont été transformés en logements et sont devenus des copropriétés. Mais leurs noms subsistent sur leurs belles façades dont certaines sont Art déco (l’ancien Plazza ou l’ancien Hôtel Célestins). À l’intérieur, nombre de ces bâtiments comportent des escaliers monumentaux, des verrières, des jardins d’hiver, des patios et de grands salons, où l’on dansait, lisait, conversait, se restaurait entre clients fortunés. Pour réaliser ce qu’était leur splendeur, on peut se rendre à l’Aletti Palace, construit en 1905 et encore en fonctionnement aujourd’hui. L’hôtel est dans son jus, le cadre est un peu suranné, il aurait besoin d’être remis aux goûts du moment, mais c’est un fleuron de l’architecture de la Belle Époque. Ses immenses salons du rez-de-chaussée, avec une hauteur sous plafond permettant à un orchestre de se loger sur une mezzanine, donnent à imaginer le mode de vie somptueux de la haute société qui venait faire ses cures, mais aussi se divertir et se montrer.
À Vichy, comme ailleurs en Europe, le thermalisme a été source de créativité architecturale tant pour les bâtiments dédiés aux cures que pour les édifices consacrés aux loisirs et à l’agrément : théâtres, opéras, kiosques à musique… Dans leur déclinaison urbaine, les villes d’eaux laissent deviner la recherche d’un cadre de vie idéal, avec des aménagements paysagers, des promenades, des parcs, des jardins… Leur valeur universelle exceptionnelle n’a pas échappé à l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), qui, en juillet 2021, a inscrit Vichy et dix autres villes thermales européennes à la liste de son patrimoine mondial.
Tonino Serafini
Le Grand Casino Théâtre. © X. Thomas et C. Michaud
Lire la suite dans le numéro 426