En Seine-et-Marne, entre Melun et Fontainebleau, la petite commune de Bois-le-Roi est le théâtre d’une bataille autour de son atlas de la biodiversité communale (ABC). D’un côté, l’équipe municipale est accusée de vouloir bétonner sans égard pour les écosystèmes, de l’autre, des habitants entêtés refuseraient tout projet d’aménagement. Démocratie participative, densification et environnement, ce cas d’école raconte en filigrane les forces et les faiblesses d’un outil qui n’engage que ceux qui y croient. Reportage.
À peine descendus de la station TER de Bois-le-Roi, Cécile Digne, habitante et retraitée, nous indique une petite parcelle boisée, pile en face de la gare : « Vous voyez, c’est là que la mairie porte un projet de crèche. Mais le Bois de la Source est une zone humide essentielle pour la biodiversité locale, on est au croisement des trames verte et bleue. » Membre de l’association Touche pas à mon p’tit bois, la Bacotte connaît la biodiversité de sa ville sur le bout des doigts. Elle présente l’association comme un collectif apolitique de valorisation du patrimoine naturel de Bois-le-Roi et de sa communauté d’agglomération.
Comme dans toute bataille, le choix des mots est important. « Le “Bois de la Source”, c’est le nom que l’association lui a donné, corrige Mélanie Moussours, déléguée écologie et biodiversité à la mairie. Historiquement, c’est la rue des Sesçois. » Mais, curieusement, l’atlas de la biodiversité communale prend nettement moins de pincettes ; le rapport final désigne le lieu comme la « parcelle de la future crèche ». Le document est rédigé par Seine-et-Marne Environnement (Seme), l’opérateur mandaté par la Ville. Échec et mat ?
La crèche prend l’eau
Pas si sûr, puisque début mars 2024, le maire annonçait l’abandon du projet de crèche. Depuis près d’un an, une pétition fédérait les opposants à l’artificialisation du bois et les défenseurs de la biodiversité. Dans un courrier à ses administrés, David Dintilhac s’avouait ainsi vaincu : « Force est de constater que ce projet a agrégé de nombreuses oppositions contre lui […] À défaut de pouvoir faire un choix de cœur, la décision de mettre un terme au projet de la crèche des Sesçois s’impose comme un choix de raison et d’apaisement. » Que s’est-il passé dans cette petite commune de près de 6 000 habitants pour qu’un projet de crèche, pourtant nécessaire et souhaité, tombe ainsi à l’eau ? Quel signe y voir pour l’aménagement de demain ? Et, surtout, quel a été le rôle de l’atlas de la biodiversité communale ? Ce qu’on appelle aussi « ABC » est une démarche permettant à une commune ou une communauté de communes de connaître, préserver et valoriser son patrimoine naturel. Une particularité qui a son importance: l’outil n’est ni obligatoire ni opposable. Les collectivités volontaires s’engagent d’elles-mêmes dans la démarche et lui confèrent l’importance qu’elles souhaitent. Lancé en 2010 à l’initiative du ministère de l’Écologie, il est aujourd’hui porté et financé par l’Office français de la biodiversité (OFB) qui dénombre 955 projets ABC en cours ou finalisés. En 2024, le programme monte en puissance avec 15 millions d’euros de financement.
Démarche d’inventaire
Concrètement, il s’agit d’un inventaire des espèces et des milieux présents sur un territoire donné pour comprendre les enjeux de biodiversité. Stéphanie Varizat, membre de Seme en charge de l’ABC de Bois-le-Roi, nous détaille la marche à suivre : « On fait un découpage de l’ensemble du territoire en secteurs homogènes, en fonction de leurs caractéristiques paysagères et architecturales. Ensuite, on détermine un protocole par groupe d’espèces et on va sur le terrain pour faire des observations. » Plantes, mammifères, insectes, amphibiens, oiseaux, chauves-souris, poissons…, tout y passe. À l’issue de ce travail, chaque secteur fait l’objet d’une analyse et de recommandations quant à la protection et la valorisation du site. Les municipalités peuvent alors décider d’un plan d’action biodiversité. C’est le cas de Bois-le-Roi, qui a mis en place la gestion différenciée de ses espaces naturels, restauré une frayère importante dans le secteur de sa base de loisirs, et développé la sensibilisation de ses habitants.
David Attié
©David Attié