« La biodiversité est un atout inégalable pour l’habitabilité des villes »
Nathalie Machon est professeure d’écologie urbaine au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), à Paris. Ses recherches portent notamment sur l’étude de la dynamique des communautés végétales en ville (« Comment améliorer la trame verte des villes ? ») et la conservation des espèces rares. Elle est coordinatrice scientifique des projets flore de Vigie-Nature, programme de science participative du MNHN (Vigie-Flore et Sauvages de ma rue).
Quelles sont les réalités du vivant non humain dans les villes, et comment sont-elles appréhendées ?
Les citadins bâtissent leurs villes en fonction de leurs besoins et de leurs activités, donc les villes sont des endroits où la présence humaine est très prégnante au détriment des espèces non humaines avec lesquelles elle cohabite pourtant.
Animaux, végétaux, champignons, micro-organismes, tous les grands groupes taxonomiques sont représentés en ville. Néanmoins, les espèces aquatiques sont assez rares, car l’expansion urbaine se fait souvent aux dépens des zones humides, et les eaux de pluie sont relativement canalisées et peu disponibles dans les sols. La biodiversité urbaine comporte un certain nombre d’espèces cultivées ou domestiquées: espèces horticoles ou potagères qui embellissent les maisons, les balcons, les espaces verts publics et privés, ainsi que les plates-bandes en bordure de voirie.
Comme flore cultivée, il convient de noter les espèces poussant au niveau du sol, sur les murs, ainsi que sur les toits et les terrasses. Choisis pour leurs qualités esthétiques et l’ombre qu’ils fournissent durant la belle saison, les alignements d’arbres, qui bordent les avenues et les boulevards, comprennent principalement des espèces qui tolèrent bien les contraintes de la ville, telles que les platanes, les marronniers ou les tilleuls.
Pour les animaux, ce sont les chiens et les chats qui sont les plus représentés. S’ajoutent aussi d’autres animaux de compagnie assez divers, mais dont l’impact environnemental est toujours important. Certaines espèces domestiquées, animales ou végétales échappent à leur lieu de culture ou de vie. Elles acquièrent la capacité de s’établir et de prospérer de façon autonome en milieu urbain. Roses trémières et tortues de Floride ou les perruches à collier sont des exemples reconnus d’espèces mi-sauvages mi-domestiques.
Viennent ensuite les espèces réellement sauvages, qui peuplent spontanément les villes. Les espèces végétales sauvages sont des espèces plutôt communes. Elles résistent efficacement aux perturbations résultant des activités humaines en milieu urbain, telles que le piétinement, la tonte ou les arrachages fréquents. On estime, par exemple, qu’il existe environ 1 000 espèces végétales dans Paris intra-muros.
Parmi les espèces de faune urbaine, les oiseaux sont les plus visibles. Une vingtaine de mammifères arrivent à s’y maintenir. Hérissons, écureuils, rats et chauves-souris prospèrent grâce à des stratégies adaptées (reproduction prolifique, activité nocturne, etc.), même s’ils endurent des conditions plus ou moins difficiles et des campagnes d’éradication. Beaucoup de petits invertébrés (insectes pollinisateurs, vers de terre, cloportes…) constituent également l’écosystème urbain. De nombreux programmes de science participative de Vigie-Nature comme Sauvages de ma rue, l’Observatoire des jardins ou Spipoll [Suivi photographique des insectes pollinisateurs, ndlr] mobilisent des bénévoles pour envoyer des données sur leur ville. Ces données constituent la base d’analyses statistiques très utiles pour connaître la biodiversité urbaine et les facteurs qui agissent sur son état.