Le grand enjeu du département d’outre-mer est de garder la maîtrise de la consommation globale d’électricité – acheminée, donc plus chère que dans l’Hexagone – dans cette zone non interconnectée au réseau continental.
S’il y a bien un sujet avec lequel on ne badine pas à La Réunion, c’est celui de l’énergie, et pour plusieurs raisons. D’abord, le taux de dépendance énergétique de cette île située à plus de 9000 kilomètres de l’Hexagone reste élevé: 85,8% en 2022 (Observatoire Énergie Réunion). Or, l’énergie acheminée outre-mer (pour l’eau chaude sanitaire et les transports surtout) coûte plus cher que dans l’Hexagone. En face, les indicateurs socio‑économiques pèsent lourd, en particulier le taux de pauvreté de sa population, qui s’élève à 36 % (Insee, 2020). Par ailleurs, l’île compte 49 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Et si la loi de transition énergétique a fixé au territoire d’outre- mer un objectif d’autonomie énergétique d’ici à 2030, et que la Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019–2028 (PPE) de La Réunion, adoptée en avril 2022, tente de mettre en musique cette ambition à travers la production d’un mix électrique d’origine renouvelable, la marche demeure très haute.
En attendant, pour faire face au double enjeu écologique et économique, les autorités du Département ont mis en place, depuis longtemps, des dispositifs d’accompagnement des ménages pour réduire leur précarité énergétique. Fait notable, l’organisation semble rodée sur ce sujet. « La gouvernance de l’énergie est assez exemplaire et l’est restée, y compris après le changement de majorité régionale », en juin 2021, témoigne ainsi la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion (Deal). Et si le Département et la plupart des cinq EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) réunionnais ne se sont pas encore suffisamment emparés de la question de la précarité énergétique, la Région pilote de nombreuses actions concrètes avec d’autres partenaires et financeurs, parmi lesquels l’Union européenne.
Une société publique locale comme pilote
Ainsi, la Région, l’État et EDF – qui y a un monopole – ont validé en 2019 un programme d’économies d’énergie de cinq ans, doté de 160 millions d’euros, sous le nom de Cadre territorial de compen- sation (CTC). En 2022, 37 000 foyers ont été accompagnés, dont deux tiers étaient en précarité énergétique, selon la Deal. En tout, 40 millions d’euros de primes ont été versés aux foyers concernés et 90 millions d’euros évités sur la production d’électricité.
L’opérateur principal de la sobriété énergétique sur place est la société publique locale (SPL) Horizon Réunion, financée, là encore, principalement par la Région. C’est donc cette SPL qui déploie aussi d’autres dispositifs ciblant tout ou partie des 345000 ménages de l’île: du récent France Renov’, pour accompagner les habitants dans la rénovation de leur habitat, aux programmes nationaux qui l’ont précédé, en passant par le dispositif réunionnais Eco Solidaire, déployé dès le début des années 2010. La SPL demeure aussi une bonne élève du déploiement du Slime (le programme de repérage de ménages en situation de précarité énergétique coordonné par le réseau CLER), jusqu’à couvrir 70 % du programme national, avec 40 000 ménages accompagnés depuis 2014.
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Lucie Romano
Le « Lavoir » de la SIDR (logements sociaux), un quartier de la commune de Saint-Pierre. Sur les 22 millions d’euros issus du Fonds vert gouvernemental, 75 % sont d’ores et déjà dépensés, signale la Deal. Ils doivent financer des actions de sobriété : rénovation énergétique d ’équipements publics, lutte contre les îlots de chaleur notamment. © SPL Horizon Réunion