Plaine Commune et son principal bailleur social ont lancé une nouvelle salve de réhabilitations thermiques pour augmenter la résilience des occupants de leurs parcs face à la précarité énergétique. Mais d’autres passoires thermiques résistent encore : celles occupées par des propriétaires pauvres, captifs de leur bien qui sera bientôt inlouable. Celles aussi où vivent des locataires très modestes, que la hausse des coûts de l’énergie rend encore plus précaires.
Plaine Commune a fait de la lutte contre la précarité énergétique l’un des piliers de son action publique, et depuis longtemps – son plan climat de 2010 en témoigne. Il fait rimer sobriété avec justice sociale et l’adage figure d’ailleurs dans le premier axe de son plan climat-air‑énergie territorial 2020–2026 (PCAET), cadre stratégique en matière d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.
Dans ce territoire le plus pauvre de Seine-Saint-Denis, 35 % des ménages vivent sous le seuil de pauvreté et 23,1 % sont en situation de précarité énergétique ; ils dépensent plus de 8 % de leurs revenus pour leurs consommations d’énergie – essentiellement le chauffage.
La nouvelle équipe issue des élections municipales de 2020 a donc voulu monter d’un cran, avec un plan de sobriété énergétique voté en décembre 2022. À long terme, le but est d’accompagner les habitants dans la résilience aux futurs aléas énergétiques, soit la capacité à y faire face quelles que soient les fluctuations à venir des prix.
À court terme, l’objectif est de réduire les consommations d’énergie de 10 % sous deux ans. Cela se traduit par une chasse aux calories et aux watts inutiles dans tous les domaines : l’éclairage public, les serres de production et, bien sûr, les bâtiments de la collectivité. Au menu : frugalité dans la conception des futurs bâtiments et amélioration de la performance énergétique du parc de logements anciens.
Le levier de la réhabilitation thermique
Il y a du pain sur la planche : sur les près de 180 000 logements à Plaine Commune, près des deux tiers datent d’avant 1975. 80 000 sont des logements sociaux et un petit quart d’entre eux arborent des étiquettes de performance énergétique E, F ou G, soit celles qui désignent les habitats les plus énergivores et qui devront disparaître progressivement entre 2025 et 2034 pour qu’un bien puisse être loué, en vertu de la loi climat et résilience.
Des rénovations thermiques massives, permettant d’obtenir un bond d’au moins deux étiquettes de performance énergétique, sont donc lancées depuis des années, notamment à travers les programmes de renouvellement urbain de l’Anru 1 (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et ses 13 800 logements réhabilités. D’autres le seront via les 14 opérations du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) du territoire (9 600 réhabilitations prévues).
Le principal bailleur social du territoire, l’OPH Plaine Commune Habitat (20 000 logements) accélère lui aussi. En janvier 2023, son propre plan Ambition Environnement entend diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre, d’ici à 2050, et mieux protéger ses locataires face aux crises, notamment énergétique. « On a un nouveau prisme, celui de conjuguer environnement et portefeuille », résume Mourad Allali, le directeur technique de Plaine Commune Habitat.
Pour lui, la justice sociale passe avant tout par la construction de logements sobres énergétiquement, mais aussi par la réhabilitation massive des logements (4 000 d’ici à 2030 contre 1 300 avant le plan) avec, en 2050, un niveau d’étiquette C au minimum et principalement des étiquettes A et B.
L’enjeu de la production énergétique locale
Autre tournant pris par le bailleur francilien: la sortie du gaz sur les quatre ou cinq ans à venir. Une étude est en cours pour recenser les potentiels. Plaine Commune Habitat prévoit déjà la reconversion de chaufferies gaz en sous-stations raccordées au chauffage urbain, « le plus intéressant financièrement pour le locataire ». Le parc du bailleur peut déjà notamment compter sur un réseau de géothermie à La Courneuve et une chaufferie biomasse à Saint-Denis…
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Lucie Romano
Le chantier en site occupé de la Prairie de Romaincourt, à Stains, piloté par Plaine Commune Habitat, en septembre 2023. Concernant le chauffage collectif au gaz (3 329 logements en tout), la facture annuelle totale a augmenté de 70 % sur le patrimoine entre 2021 et 2022, malgré le bouclier tarifaire et le plan de sobriété énergétique mis en place par Plaine Commune Habitat. © Lucie Romano