Après trente ans de politiques publiques, la cité du 15e arrondissement, dans les quartiers nord de Marseille, a retrouvé une sorte d’ordinaire urbain, grâce à un programme de relogement d’envergure et une démarche inter-bailleurs avant l’heure.
Parler de renouvellement urbain au Plan d’Aou relèverait de l’euphémisme. Ici, c’est plutôt la logique de la tabula rasa qui s’applique. Sur les 915 logements sociaux (PLAI, prêt locatif aidé d’intégration) construits au début des années 1970, il n’en reste plus qu’une quarantaine. Les plus défectueux – un peu plus d’une centaine – n’ont jamais été habités et les autres ont fait l’objet d’un programme de démolition d’ampleur, dès les années 1980, jusqu’en 2015. Le premier projet de développement urbain du Plan d’Aou, lancé dans la seconde moitié des années 1990, doit répondre à l’urgence sociale d’un quartier en paupérisation croissante, et faire résonner une ambition politique plus large : tirer la deuxième ville de France vers le haut. C’est à cette époque que le centre d’affaires Euromed voit le jour, mais non sans contrepartie: la Ville doit s’occuper de ses cités. Grand Littoral, l’un des plus grands centres commerciaux du pays, s’installe en 1996, à quelques kilomètres du quartier. De plus, la ligne TGV qui doit relier Marseille à Paris en trois heures est sur les rails. L’argent de l’État arrive, la construction immobilière se remet en marche ; c’est l’occasion de réparer la cité perchée. Et c’est l’architecte et urbaniste Alain Amédéo qui se charge, en 1997, du plan-guide du grand projet urbain du Plan d’Aou. La maîtrise d’ouvrage, menée par un groupement d’intérêt public (GIP) dès 2002, se muscle en 2005, avec la signature d’une convention Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU). Aujourd’hui, le programme de rénovation urbaine du Plan d’Aou touche à sa fin. Retour sur la recomposition XXL du « plateau d’en haut ».
(Ré)habiter et (ré)activer
Dès le départ, l’objectif est clair : faire l’exact inverse de ce qui avait été réalisé dans les années 1970. Autrement dit, amener de la mixité sociale et fonctionnelle, remplacer les barres en R+8 par du petit collectif qualitatif, créer des équipements publics, sécuriser les espaces, désenclaver… Bref, créer tout un morceau de ville et inscrire le quartier dans une dynamique territoriale plus large. En tout, l’opération a généré près de 345 relogements. « Quand je suis arrivée en tant que cheffe de projet renouvellement urbain, en 2008, il y avait des camions et de la poussière partout », se souvient Laure Portalé, désormais en charge d’une mission Prospective, opérations complexes et innovation à la Métropole Aix-Marseille- Provence. « Nous étions dans le dur en gérant à la fois des démolitions et des interventions sur les VRD [voirie, réseau divers, ndlr], et les questions de relogement et de gestion urbaine de proximité. Les derniers locataires sont partis en 2009. » Attachés à leur quartier et craignant d’être chassés par la promotion privée, qui, dans les années 1990, a construit plus de 400 logements autour du Plan d’Aou, « les habitants étaient très investis dans le projet et très vigilants sur ses contreparties ». Le relogement des familles – sur site ou dans d’autres quartiers – et de certaines associations s’est fait au compte-gouttes et dans la négociation.
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Julie Snasli
Le Monticole (maîtrise d’ouvrage : Erilia ; architecte : Nicolas Masson et Bag architectes). © Philippe Conti