Que faire d’un site industriel situé en cœur de ville ? Quand ce dernier dispose d’un cachet particulier, il devient envisageable de le préserver et de lui imaginer des futurs tout en conservant une trace de son histoire. Et cette préservation n’empêche pas de s’appuyer sur des outils novateurs, comme le jumeau numérique.
C’est un immense site industriel au cœur de Mulhouse : 12 hectares de bâtiments de briques rouges, où travaillaient les 8000 salariés du groupe textile DMC, dont la création remonte au XVIIIe siècle. L’usine textile fut l’un des piliers économiques de la ville, mais l’arrivée de l’automatisation des process au XXe siècle l’a conduite à se repositionner sur un secteur de niche, le fil pour broderie et crochet. Les effectifs se sont contractés en conséquence, pour ne compter qu’une centaine de salariés aujourd’hui.
Que faire de telles surfaces, quand une activité industrielle disparaît en plein centre-ville ? Les bâtiments, dont l’homogénéité est rare, sont tous faits de briques et à toiture plate, pourvus de grandes cheminées. Une partie des lieux est même inscrite à l’inventaire des monuments historiques. Quant à la surface de plancher, de 110 000 m², elle offre de quoi imaginer bien des futurs possibles.
Le premier enjeu, pour la commune, est d’ouvrir au reste de la ville ce site considéré comme une « cité interdite » par les habitants. En 2007, DMC commence par céder une partie des lieux, dont le cœur de site, à la société publique locale Citivia. Deux bâtiments sont d’abord aménagés pour développer l’immobilier d’entreprises: puisque DMC conservait son activité ici, il était possible de créer un village d’entreprises sur la partie nord-est du site. Un second volet tourné vers l’entreprenariat créatif et culturel voit le jour en 2013. Le « Motoco », pour more to come (« plus à venir », en français), est un complexe évènementiel capable d’accueillir de grandes manifestations, grâce auxquelles elle peut proposer des loyers très attractifs à 140 artistes venus s’y installer. Enfin, un centre de loisirs est venu étoffer l’offre en 2020 avec le Climbing Mulhouse Center, le plus haut mur d’escalade indoor de France, qui devrait bientôt être agrandi pour accueillir les ath- lètes se préparant pour les JO 2024.
À ce stade, la Ville peut passer à l’étape supérieure : réfléchir à l’intégration de logements. «Le lieu intéresse des porteurs qui voudraient créer des lofts, décrit Jean-Philippe Bouillé, adjoint à l’urbanisme de la ville de Mulhouse, le potentiel des structures historiques et des hauteurs sous plafond est très fort.» Le nombre d’appartements réalisables n’est pas encore arrêté, mais sur un bâtiment de 230m de long et 26m de large, il y a de quoi en aménager quelques-uns.
Projet de renaturation et mobilités douces
Reste, ensuite, à réfléchir à l’aménagement de rues, en « raccrochant » le site au tissu urbain extérieur. Les mobilités douces ont la part belle, mais la nature doit aussi faire son retour sur ce site industriel : un ruisseau est découvert et un projet de renaturation est lancé. Tout mis bout à bout, ces projets conduisent les élus à cette conclusion : «Entre la renaturation, les questions de mobilité et les aménagements du site, nous nous sommes dit que le quartier DMC était un candidat idéal pour l’appel à manifestation d’intérêt “Démonstrateur de la ville durable”, lancé par la Banque des Territoires, dans le cadre de France 2030, explique Jean-Philippe Bouillé, d’autant plus que la technologie peut nous aider à avancer : notre objectif est de conserver le patrimoine bâti qui est l’âme du site, tout en étant soucieux des économies d’énergie. Pour cela, nous pouvions innover sur les aspects du numérique, et même aller plus loin que la seule question de l’énergie en imaginant d’autres applications.» L’AMI étant centré sur l’innovation et la réplicabilité, il est alors envisagé de créer un jumeau numérique du site DMC, dont les usages seraient multiples. La candidature est retenue : «Être lauréat est une fierté, et ce projet, mené avec EDF en partenaire principal, agit comme un accélérateur pour nous», souligne Jean-Philippe Bouillé.
Pour la collectivité, l’enjeu est le suivant : partir de l’existant et transformer une « cité interdite » en nouveau quartier ouvert, durable, innovant, inclusif et résilient.
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Marjolaine Koch
Le quartier DMC sous sa forme actuelle à Mulhouse
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