L’idéal comme prototype

Par­ti du constat de l’inadéquation entre l’immobilier neuf et la demande, Billy Gui­do­ni crée Modus Ædi­fi­can­di. En 2021, il s’associe avec Soge­prom pour pro­po­ser un immeuble sur mesure dans le 5e arron­dis­se­ment de Mar­seille, avec une pro­messe : « Des mai­sons d’architecte superposées. »

Que l’on ne s’y trompe pas. Malgré un nom emprunté à une langue morte, la société Modus Ædi­fi­can­di loin d’être désuète, est à la pointe de l’innovation immobilière. En 2017, après une dizaine d’années en agences d’architecture à l’international, puis une thèse pro­fes­sion­nelle por­tant sur l’immobilier sur mesure, Billy Gui­do­ni lance Modus Ædi­fi­can­di. Lauréate Med’Innovant en 2018, l’accueil de cette nou­velle approche de la construc­tion et de la pro­mo­tion est à la hau­teur de ses espérances.

Si, sur son site inter­net, une image animée fait défiler des blocs de cou­leur inspirés du célèbre jeu vidéo de puzzle Tetris, Modus Ædi­fi­can­di est bien un maître d’ouvrage, aujourd’hui copro­mo­teur d’une opération d’habitat à Mar­seille, qui est, pour son fon­da­teur, la réponse à une double problématique qui touche le monde de la construc­tion : faire la ville sur la ville pour ne plus empiéter sur la pleine terre, et répondre à l’exigence de « sur-mesure » d’habitants de plus en plus sour­cilleux de leur bien‑être. Des enjeux aux­quels la pro­mo­tion immobilière, emportée par une course à la spéculation et des cycles d’obsolescence de plus en plus courts, peine à répondre.

S’associer avec un pro­mo­teur : un soupçon de prag­ma­tisme faci­lite l’innovation

Cette ren­contre fait sou­rire Emma­nuel Sapin, direc­teur de Soge­prom, pro­mo­teur immo­bi­lier filiale du groupe Société Générale. « Nous avons été présentés à Paris, alors que nous sommes tous les deux basés à Mar­seille. » Le pro­mo­teur est direc­te­ment conquis par cette méthode de construc­tion, qui plus est, son entre­prise est action­naire mino­ri­taire à hau­teur de 2 % envi­ron de la start-up. Un par­te­na­riat qui semble cou­ler de source pour ces deux sociétés qui n’étaient pour­tant pas vouées à se ren­con­trer. La réflexion n’est pas longue quant à la loca­li­sa­tion du pre­mier immeuble : ce sera Mar­seille. Une ville en manque d’innovation, rela­ti­ve­ment en retard par rap­port à d’autres métropoles, selon Emma­nuel Sapin. Une fois le contrat signé, reste à trou­ver le fon­cier. Deux mai­sons sont repérées dans le 5e arron­dis­se­ment de la ville, le plus mixte en termes de tranches d’âge, de catégories socio­pro­fes­sion­nelles et de reve­nus. Les condi­tions sine qua non sont respectées : le ter­rain est en conti­nuité de la ville dense de Mar­seille, entre le nœud de la Blan­carde, le bou­le­vard Saka­ki­ni – « le périphérique intérieur de Mar­seille », la rue Saint-Pierre, et il est entouré des aménités indis­pen­sables. L’opération est petite, avec un maxi­mum de 15 loge­ments ; pas vrai­ment le type d’opérations qu’un pro­mo­teur de cette taille a l’habitude de por­ter. « Nous ne sommes pas dans une course aux volumes, nous sou­hai­tons appor­ter quelque chose aux ter­ri­toires sur les­quels on tra­vaille », précise Emma­nuel Sapin. De plus, l’opération s’imbrique dans le pacte « 3B » du groupe : bas-car­bone, bio­di­ver­sité, bien-vivre. Les deux entités s’accordent d’ailleurs sur la bonne entente entre la start-up hyper agile et ce géant de la pro­mo­tion immobilière, qui apporte sécurité financière, connais­sance du marché immo­bi­lier et notoriété publique. « C’est assez rare de tra­vailler avec un pro­mo­teur qui ne fait pas sem­blant, ne coupe pas les coûts, c’est énormément d’efforts », note Billy Gui­do­ni. Des efforts finan­ciers et d’investissement humain bien plus impor­tants que ceux d’une opération clas­sique : « Nous allons dépenser dix fois les hono­raires de ges­tion dans cette opération », concède Emma­nuel Sapin.

160 000 com­bi­nai­sons possibles

Le fon­cier acheté, il faut trou­ver un nom à cette opération; l’«Idéal», en référence à l’ultrapersonnalisation des loge­ments, et à un poème de Bau­de­laire dont la rue porte le nom. « Bau­de­laire se méfie des chimères et va vers un idéal. C’est ce qu’on fait », poétise Billy Guidoni.

Un idéal ergo­no­mique et écologique d’abord: l’immeuble représente deux tiers de la masse d’un bâtiment équivalent, libérant ain­si de la pleine terre, pour offrir ce qu’il considère comme « l’or vert des centres-villes » per­met­tant de rafraîchir l’air de 1 à 1,5 degré. Un avan­tage incon­tes­table dans la cité phocéenne qui peut frôler les 40 °C en été. Le bâtiment, conçu par les deux agences d’architecte EGR et Cal­ma, est sobre et s’inscrit dans le velum du quar­tier [la hau­teur de référence, NDLR], six étages, et un vert provençal. Clin d’œil aux immeubles de rap­port mar­seillais des XVIIIe et XIXe siècles, l’architecture s’inspire du cou­rant moderne et Art déco de la ville.

Lire la suite dans le numé­ro 430

Mai­der Darricau 

L’Idéal, façade sud. ©ZUH Visuals

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