Après la tempête, projeter l’adaptation du littoral

Face à la vulnérabilité des littoraux, qu’une tempête comme Xynthia est venue cruellement rappeler en 2010, les principes d’action sont connus : redéployer les aménagements pour y intégrer les dynamiques naturelles. Le passage à l’action n’est pourtant pas aisé. Quel rôle jouent les appels à projets dans ce processus ?

 

La tempête Xyn­thia, sur­ve­nue en 2010 sur la façade ouest Atlan­tique, fut un évènement pivot pour l’appréhension col­lec­tive des risques côtiers. Au len­de­main de la catas­trophe, le bilan humain et matériel (53 morts, 2,5 mil­liards d’euros de dégâts) sus­cite un véritable choc. Sur décision de l’État, les quar­tiers les plus touchés sont démolis. Mais au-delà de ce geste fort, la catas­trophe a aus­si entraîné un pro­fond bou­le­ver­se­ment des pra­tiques de l’aménagement en milieu côtier face aux risques natu­rels – prin­ci­pa­le­ment érosion, sub­mer­sion et inon­da­tion – et au chan­ge­ment cli­ma­tique. L’aménagement du ter­ri­toire, mis en cause dans l’émergence des risques, devient para­doxa­le­ment une piste essen­tielle pour la résilience des littoraux.

For­mi­dable outil intégrateur, le pro­jet urbain per­met d’allier ges­tion des risques et amélioration du cadre de vie. Il contri­bue à lever plu­sieurs obs­tacles : les limites admi­nis­tra­tives, les frontières entre les dis­ci­plines, mais aus­si la hiérarchie des sta­tuts en fédérant citoyens, cher­cheurs, experts et élus. Dans ce contexte, l’appel à pro­jets s’est peu à peu imposé comme un outil d’innovation incon­tour­nable dans les ter­ri­toires. Mais par sa sélectivité, n’est-il pas aus­si révélateur de lacunes en termes de pla­ni­fi­ca­tion stratégique de l’adaptation, sur fond d’affaiblissement finan­cier de la puis­sance publique ?

La mul­ti­pli­ca­tion des appels à projets

Depuis 2010, une quin­zaine d’appels à pro­jets ont été initiés sur le lit­to­ral, abor­dant pour par­tie, l’enjeu de la résilience des aménagements. Généralement menées au niveau natio­nal ou régional, ces ini­tia­tives ont per­mis de sou­te­nir des cen­taines de pro­jets. Cette ten­dance témoigne d’un regain d’intérêt pour l’expérimentation locale comme moyen d’améliorer le cadre opérationnel. L’appel à pro­jets concer­nant la relo­ca­li­sa­tion des activités et des biens, conduit en 2013–2017 par le ministère de l’Écologie sur cinq ter­ri­toires, en est une illus­tra­tion. Mais l’efficacité de telles approches doit être interrogée : si elles per­mettent de phos­pho­rer, elles gagne­raient aus­si à s’inscrire dans des pro­to­coles expérimentaux plus rigou­reux et des logiques par­te­na­riales plus claires.

Le débat public post-Xyn­thia, nour­ri par ces démarches expérimentales, a per­mis de mul­tiples avancées : la ges­tion coordonnée des ouvrages côtiers (lois MAPTAM de 2014 et NOTRe de 2015), l’assouplissement condi­tion­nel de la loi lit­to­ral pour l’adaptation au recul du trait de côte (loi ELAN de 2018), ou encore la car­to­gra­phie obli­ga­toire des zones exposées à l’érosion dans cer­taines com­munes (loi cli­mat et résilience de 2021). La mise en cohérence des docu­ments d’urbanisme et des dis­po­si­tifs de prévention des risques s’est améliorée.

Tou­te­fois, la portée de ces avancées est à rela­ti­vi­ser. L’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique semble trop lente face aux évolutions en cours, avec un avan­ce­ment hétérogène des ter­ri­toires. Le trai­te­ment différencié de l’érosion et de la sub­mer­sion est source d’interrogations, tout comme les modalités d’application de la loi cli­mat et résilience. Enfin, la recom­po­si­tion des ter­ri­toires côtiers demeure un sujet sen­sible, ce qui limite son opérationnalisation.

Les appels à pro­jets sont-ils sui­vis d’effets concrets ? En dépit de leur dimen­sion inno­vante, sou­vent soulignée, les retours d’expériences sont peu nom­breux. Pour capi­ta­li­ser sur les apports et limites de ce mode opératoire, le bureau d’études Arte­lia s’est emparé du sujet dans le cadre de ses activités de recherche et développement (lire encadré p. 65). Son enquête est par­tie d’une ques­tion simple : quelles sont les difficultés et condi­tions de réussite du pas­sage à l’opérationnel ?

Ce qu’en disent les acteurs clés

Nous sommes retournés voir les pro­ta­go­nistes de ces démarches – élus, tech­ni­ciens, acteurs trans­verses – pour leur sou­mettre la ques­tion. De nos échanges, nous rete­nons cinq difficultés majeures. La première concerne la mobi­li­sa­tion de tous les publics. Sur les lit­to­raux, divers pro­fils de résidents coha­bitent, séjournant plus ou moins long­temps. Leur per­cep­tion des risques et du chan­ge­ment cli­ma­tique est inégale: concrète pour les per­ma­nents, plus abs­traite pour les inter­mit­tents qui tendent à idéaliser le pay­sage côtier. Asso­cier les résidents secon­daires au pro­ces­sus de concer­ta­tion est alors un défi.

 

Lire la suite de cet article dans le n°434

Tho­mas Beillouin et Paul Galand, Artelia

Saint-Nazaire : la vulnérabilité des zones basses estua­riennes mise en lumière par la tempête Xyn­thia.  © Tho­mas Beillouin

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