Il y a trois ans, la tempête Alex ravageait les Alpes-Maritimes, faisant 10 morts, 8 disparus, quelque 13 000 sinistrés et plus d’1 milliard d’euros de dégâts… Puis, la tempête Aline a frappé, en octobre dernier. Au-delà d’une reconstruction rapide, voire provisoire, qui a parfois lâché, le département tire aujourd’hui les leçons de cette catastrophe.
Les 2 et 3 octobre 2020, la tempête Alex s’abattait sur les Alpes-Maritimes dans les vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya, avec 70 communes classées en catastrophe naturelle, 470 bâtiments endommagés ou détruits, au moins une soixantaine de kilomètres de routes et une soixantaine d’ouvrages d’art emportés, 17 stations d’épuration et 10 stations d’eau potable touchées, 200 kilomètres de canalisations d’eau ou d’assainissement disparus ou endommagés, des ouvrages électriques détruits…
« Les dégâts sur les biens publics et privés ont été chiffrés à 1 milliard d’euros », résume Emmanuel Acchiardi, directeur de la mission interministérielle pour la reconstruction des vallées, laquelle devait durer encore quelques mois… Le 20 octobre dernier, c’était au tour de la tempête Aline de frapper, avec des dégâts sur les routes et ponts provisoires, ainsi que les canalisations à Saint-Martin-Vésubie, village principalement touché; le tout pour « 40 millions d’euros estimés à ce jour », selon Alain Jardinet, 1er adjoint au maire de la commune.
Dès le 14 octobre 2020, l’État nommait un préfet délégué à la reconstruction des vallées, Xavier Pelletier (nommé préfet du Loir-et-Cher le 21 août 2021), lequel constituait alors une équipe de sept personnes comprenant, outre Emmanuel Acchiardi, des gestionnaires de fonds et un chef de projet développement. In fine, l’État aura injecté plus de 600 millions d’euros pour la reconstruction. Auxquels s’ajouteront 69,5 millions de la communauté d’agglomération de la Riviera française (Carf) et 208 millions de Nice Métropole Côte d’Azur (NMCA), les subventions (Europe, État, Région et Département), sans compter les dépenses propres, la première année, du Département (133 millions d’euros pour les routes) et de la Région (34,5 millions d’euros pour reconstruire des infrastructures).
Après l’urgence (adduction d’eau potable, desserte routière et ferroviaire, relogement, évacuation des déchets…), il a fallu reconstruire. Mais en tirant les leçons de la tempête, donc pas nécessairement in situ. La station d’épuration de Saorge a, par exemple, été provisoirement remise en état, mais une nouvelle sera construite ailleurs, pour plus de sécurité. « Pour les routes, les choix étaient très limités dans la Roya, précise François Lefebvre, directeur général adjoint de la Carf, car la vallée est très encaissée. » Certains ponts, comme à la confluence Roya/Caïros, ont été reconstruits sur un plus grand linéaire et plus hauts par rapport à la rivière, sans piles dans le lit mineur. En revanche, dans des gorges, le Département n’a pu reconstruire la route qu’au même endroit.
À Saint-Martin-Vésubie, où quatre ponts avaient été reconstruits provisoirement et où l’un d’entre-eux a lâché après Aline, l’appel d’offres prévu, début 2024, pour augmenter la portée des ponts (sans piliers au milieu) n’est pas remis en cause. Pour les canalisations (AEP, eaux usées), Jean-Marc Amourdedieu, directeur eau et assainissement de la Carf, explique : « On a choisi, si possible, de les remettre côté amont des routes et non côté talus, et de l’autre côté des cours d’eau. Avant, on faisait l’inverse pour ne pas avoir à creuser dans la partie dure en amont. »
La question délicate de la Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi)
Les berges ont été équipées d’ouvrages contre les affouillements, les talus reconstitués et renforcés, les brèches protégées, des solutions techniques souples admettant des déformations importantes recherchées, etc. Parfois, devant du bâti privé, lui-même conforté pour être préservé, des berges ont été renforcées, comme à Tende, par la Carf, avec 2 mètres visibles et 4 mètres supplémentaires en profondeur pour prévenir l’incision du lit. « À Saint-Martin-Vésubie et Roquebillière, après concertation préfectorale menée par le préfet, un schéma global d’aménagement des torrents au titre de la compétence Gemapi, approuvé pour chaque commune, le 21 octobre 2021, identifie les secteurs à enjeux de protection (crue centennale) et précise les aménagements à réaliser », explique Éric Lejeune, directeur Voirie et réseaux de NMCA. Ces schémas devaient faciliter les travaux à conduire (procédures réglementaires, droits des tiers) et les acquisitions amiables.
En effet, les arrêtés préfectoraux qui ont permis à NMCA d’intervenir en urgence sur le domaine privé étaient caducs, « les travaux de protection nécessitant la maîtrise foncière, sachant que 663 parcelles ont été recensées », précisait Éric Lejeune. Une procédure de déclaration d’utilité publique devait être adoptée cet automne pour ces deux schémas, avec expropriations éventuelles en cas d’échec des acquisitions amiables. « Avec Aline, le préfet nous autorise à revenir à une procédure d’urgence : on négociera plus vite avec les propriétaires, note Alain Jardinet. Les berges doivent être vite reconsolidées, aussi pour reconstruire, en définitif, les routes provisoires… »
Frédéric Ville
Il a fallu reconstituer les berges, les réseaux, comme ici à Breil-sur-Roya. Les vannes ont été multipliées sur le réseau AEP, pour couper l’eau plus facilement sur un petit secteur en cas de rupture. © Vincent Jacques/Carf