Pour que tout change, il faut que tout change
L’évolution générale du climat et ses conséquences – qu’il est de plus en plus difficile d’appeler « évènements », tant elles se multiplient et s’amplifient – ont rendu obsolète, en l’espace de quelques années, la parabole lampédusienne ¹ qui avait pourtant eu si longtemps cours dans les discussions et débats sur l’urbanisme.
Il faut dire que l’époque où elle est prononcée – les années 1860 – est contemporaine des premières études et réflexions – par George Perkins Marsh et Antonio Stoppani – sur ce que nous appelons aujourd’hui l’« anthropocène ». Et qu’elle est annonciatrice de l’industrialisation et de la mondialisation que l’aristocratie est enjointe à investir pour ne pas perdre tous ses privilèges, mais aussi des impacts toujours plus grands de l’activité humaine et de l’urbanisation sur l’environnement, et du maintien des inégalités sociales.
Il n’est donc pas étonnant de constater que les rangs des derniers climatosceptiques – essentiellement fournis par les héritiers d’un système qu’il est désormais urgent de réformer en profondeur – restent opposés à celles et ceux qui contribuent à comprendre et alerter sur les conséquences de l’effondrement de la biodiversité et du réchauffement climatique, nous invitant ainsi à tout changer. Car il est impossible de dissocier les défis environnementaux et climatiques des défis sociaux et économiques : pour éviter la fin du monde, il faut assurer la fin du mois.
Les quartiers populaires, et notamment ceux qui relèvent de la politique de la ville, font l’objet d’une attention particulière et d’un investissement important de l’État, des collectivités et de l’ensemble de leurs partenaires – au premier rang desquels la Caisse des Dépôts et la Banque des Territoires – depuis près de quarante ans, augmentés depuis 2003 par la création de l’Anru².
Les premiers projets de renouvellement urbain de ces quartiers ont – de l’avis général – trop porté sur les problématiques bâtimentaires et les opérations de démolition/reconstruction ; un travers corrigé avec la deuxième génération de projets qui ont mieux intégré les questions d’accès à l’emploi, aux équipements publics, de mobilité, notamment. Mais sans pour autant se révéler, par leurs effets, à la hauteur des enjeux de ces quartiers.
Aujourd’hui, une nouvelle ère de projets est mise en œuvre, ou sur le point de l’être, visant à intégrer ces quartiers dans le droit commun de la ville ordinaire pour y assigner les mêmes objectifs et en tirer les meilleurs résultats. Ces projets structurés autour du thème de « résilience » ont pour objectif de réparer ces quartiers, pour réparer la ville elle-même et améliorer les conditions de vie de leurs habitants en même temps que celles de la ville et du territoire.
Ce changement d’approche se révèle extrêmement riche et prometteur.
Parce qu’il établit la démonstration que ces quartiers présentent de nombreuses qualités intrinsèques qui permettent de les engager résolument dans les transitions, souvent de façon contre-intuitive : la densité, les espaces libres, qui étaient considérés comme des handicaps et qui ont conduit aux démolitions ou résidentialisations, sont désormais perçus comme des atouts.
Mais, surtout, il révèle leur extraordinaire potentiel humain au travers de mobilisations et initiatives, témoignant d’une ouverture qui mérite aujourd’hui d’être portée en exemple.
Telle est bien l’ambition du présent hors-série.
Julien Meyrignac
1/« Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change », Le Guépard, Giuseppe Tomasi di Lampedusa, 1958.
2/Agence nationale pour la rénovation urbaine.
(Photo de couverture : Vue aérienne par drone du Champ de la Garde, à Nanterre. © La Ferme du Bonheur)
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