Le séminaire de l’Avitem consacré à la Métropole de Bologne a permis de revisiter des conceptions marquantes de l’histoire urbaine de la fin du XXe siècle.
La politique de régénération urbaine à Bologne est mise en place dès la fin des années 1960, dans un contexte européen et méditerranéen, où toute une partie des centres anciens connaissent des démolitions, des restructurations lourdes, et une transformation vers les fonctions tertiaires de bureaux. Bologne va à l’encontre de ces pratiques avec le plan Cervelatti qui pose le principe de reconstruction de la ville sur la ville. Le centre historique devient un projet urbain et territorial de grande ampleur, guidé par une vision du développement durable avant l’heure : jouer la croissance zéro de la ville et de son territoire métropolitain en densifiant le centre ancien, diminuer la place de la voiture, initier une démarche intégrée entre monuments historiques, patrimoine urbain, patrimoine matériel et immatériel, conservation intégrée (physique et sociale). Le mot d’ordre de l’époque est : une ville antique pour une société nouvelle alliant tout à la fois attractivité internationale (politique d’accueil des étudiants) et bien-être des populations locales (logements et services publics) dans un dialogue étroit avec les populations.
À la fin des années 1970 émerge le concept de città diffusa, qui présente des caractéristiques économiques, sociales, fonctionnelles et de mobilités d’une nouvelle ville sans continuité urbaine. Elle se développe sur un territoire en déficit de développement, dans une région du nord-est de l’Italie pauvre, mais où la géographie et un polycentrisme historique offrent alors aux petites et moyennes entreprises des potentiels dispersés de localisation, qu’elles investissent composant ainsi des districts industriels. Dès lors, la planification territoriale va s’adapter pragmatiquement à ces processus de recompositions économiques voulues ou non. De petits centres urbains se développent par l’autoconstruction et l’installation de nouvelles entreprises, mais aussi par l’influence des politiques d’assistance sociale qui, pendant les années 1970, prévoyaient la construction d’écoles, d’hôpitaux, de services à l’échelle locale et à celle du district.
Les années 2000 accélèrent le processus en amplifiant l’expansion sous la forme d’une urbanisation en parcelles commerciales et industrielles de plus en plus vastes et à une échelle territoriale de plus en plus large. Laura Fregolent qualifie ce contexte de « post-métropolitain » : installé à une échelle interrégionale, un archipel de contextes métropolitains très hétérogènes en quête de sens commun. Le modèle n’apparaît plus soutenable en l’état. Il est même très largement questionné quant à ses implications territoriales.
En réponse, le nouveau Plan stratégique métropolitain de Bologne réaffirme certaines valeurs – hospitalité, diversité, droits fondamentaux, équité… – et quelques orientations, notamment environnementales, pour guider le nouveau dess(e)in territorial de la société bolognaise.
Aux grands récits planificateurs fondateurs, « On stoppe l’extension de la cité pour la qualifier dans son périmètre historique et on redéploie les nouveaux développements autour des bourgs anciens de la périphérie », les élus préfèrent refonder leur action sur un partage de conscience, une mobilisation collective autour d’un système d’action commun et de nouvelles formes de redistribution, comme en atteste le (modeste) fonds de péréquation.
Ce mouvement traduit-il des ambitions plus modestes à un moment où la puissance de l’imprévisible s’impose à nous ? Caractérise-t-il un basculement entre système d’intentionnalité et dynamique de régulation ? Témoigne-t-il d’une remise en cause du modèle latin nécessairement prescriptif de la conception urbaine au profit d’un modèle plus anglo-saxon construit autour de l’évaluation des impacts ? Constitue-t-il le signe avant-coureur d’un passage de l’urbanisme comme politique publique à l’urbanisme comme politique de biens communs ?
En ce sens, Bologne porte, sans le dire, une critique somme toute assez radicale de la maîtrise urbaine et territoriale au profit d’approches plus souples, plus agiles et plus ouvertes de l’aménagement.
Marie Baduel et Amine Benaissa
Photo : Bologne © Fabio Mantovani