Bologne, toujours en avance
© Fabio Mantovani

Le séminaire de l’Avitem consacré à la Métropole de Bologne a permis de revisiter des conceptions marquantes de l’histoire urbaine de la fin du XXe siècle.

 

La poli­tique de régé­né­ra­tion urbaine à Bologne est mise en place dès la fin des années 1960, dans un contexte euro­péen et médi­ter­ra­néen, où toute une par­tie des centres anciens connaissent des démo­li­tions, des restruc­tu­ra­tions lourdes, et une trans­for­ma­tion vers les fonc­tions ter­tiaires de bureaux. Bologne va à l’encontre de ces pra­tiques avec le plan Cer­ve­lat­ti qui pose le prin­cipe de recons­truc­tion de la ville sur la ville. Le centre his­to­rique devient un pro­jet urbain et ter­ri­to­rial de grande ampleur, gui­dé par une vision du déve­lop­pe­ment durable avant l’heure : jouer la crois­sance zéro de la ville et de son ter­ri­toire métro­po­li­tain en den­si­fiant le centre ancien, dimi­nuer la place de la voi­ture, ini­tier une démarche inté­grée entre monu­ments his­to­riques, patri­moine urbain, patri­moine maté­riel et imma­té­riel, conser­va­tion inté­grée (phy­sique et sociale). Le mot d’ordre de l’époque est : une ville antique pour une socié­té nou­velle alliant tout à la fois attrac­ti­vi­té inter­na­tio­nale (poli­tique d’accueil des étu­diants) et bien-être des popu­la­tions locales (loge­ments et ser­vices publics) dans un dia­logue étroit avec les populations.

À la fin des années 1970 émerge le concept de cit­tà dif­fu­sa, qui pré­sente des carac­té­ris­tiques éco­no­miques, sociales, fonc­tion­nelles et de mobi­li­tés d’une nou­velle ville sans conti­nui­té urbaine. Elle se déve­loppe sur un ter­ri­toire en défi­cit de déve­lop­pe­ment, dans une région du nord-est de l’Italie pauvre, mais où la géo­gra­phie et un poly­cen­trisme his­to­rique offrent alors aux petites et moyennes entre­prises des poten­tiels dis­per­sés de loca­li­sa­tion, qu’elles inves­tissent com­po­sant ain­si des dis­tricts indus­triels. Dès lors, la pla­ni­fi­ca­tion ter­ri­to­riale va s’adapter prag­ma­ti­que­ment à ces pro­ces­sus de recom­po­si­tions éco­no­miques vou­lues ou non. De petits centres urbains se déve­loppent par l’autoconstruction et l’installation de nou­velles entre­prises, mais aus­si par l’influence des poli­tiques d’assistance sociale qui, pen­dant les années 1970, pré­voyaient la construc­tion d’écoles, d’hôpitaux, de ser­vices à l’échelle locale et à celle du district.

Les années 2000 accé­lèrent le pro­ces­sus en ampli­fiant l’expansion sous la forme d’une urba­ni­sa­tion en par­celles com­mer­ciales et indus­trielles de plus en plus vastes et à une échelle ter­ri­to­riale de plus en plus large. Lau­ra Fre­golent qua­li­fie ce contexte de « post-métro­po­li­tain » : ins­tal­lé à une échelle inter­ré­gio­nale, un archi­pel de contextes métro­po­li­tains très hété­ro­gènes en quête de sens com­mun. Le modèle n’apparaît plus sou­te­nable en l’état. Il est même très lar­ge­ment ques­tion­né quant à ses impli­ca­tions territoriales.

En réponse, le nou­veau Plan stra­té­gique métro­po­li­tain de Bologne réaf­firme cer­taines valeurs – hos­pi­ta­li­té, diver­si­té, droits fon­da­men­taux, équi­té… – et quelques orien­ta­tions, notam­ment envi­ron­ne­men­tales, pour gui­der le nou­veau dess(e)in ter­ri­to­rial de la socié­té bolognaise.

Aux grands récits pla­ni­fi­ca­teurs fon­da­teurs, « On stoppe l’extension de la cité pour la qua­li­fier dans son péri­mètre his­to­rique et on redé­ploie les nou­veaux déve­lop­pe­ments autour des bourgs anciens de la péri­phé­rie », les élus pré­fèrent refon­der leur action sur un par­tage de conscience, une mobi­li­sa­tion col­lec­tive autour d’un sys­tème d’action com­mun et de nou­velles formes de redis­tri­bu­tion, comme en atteste le (modeste) fonds de péréquation.

Ce mou­ve­ment tra­duit-il des ambi­tions plus modestes à un moment où la puis­sance de l’imprévisible s’impose à nous ? Carac­té­rise-t-il un bas­cu­le­ment entre sys­tème d’intentionnalité et dyna­mique de régu­la­tion ? Témoigne-t-il d’une remise en cause du modèle latin néces­sai­re­ment pres­crip­tif de la concep­tion urbaine au pro­fit d’un modèle plus anglo-saxon construit autour de l’évaluation des impacts ? Consti­tue-t-il le signe avant-cou­reur d’un pas­sage de l’urbanisme comme poli­tique publique à l’urbanisme comme poli­tique de biens communs ?

En ce sens, Bologne porte, sans le dire, une cri­tique somme toute assez radi­cale de la maî­trise urbaine et ter­ri­to­riale au pro­fit d’approches plus souples, plus agiles et plus ouvertes de l’aménagement.

Marie Baduel et Amine Benaissa

Pho­to : Bologne © Fabio Mantovani

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